Aujourd'hui, je vais vous parler de Joe Dassin, chanteur français qui manque à tous ses fans. Les grands chanteurs américains lui ont permis d'assurer la plénitude de son métier par leurs conseils et leurs exemples. Fanatique d'Elvis Presley “qui demeure le plus grand spécialiste de la scène”, il l'observe et affirme : “Dans le métier, savoir bien vieillir est une chose rare. Lui, c'est pire que tout, il rajeunit de jour en jour.” Et c'est ainsi bien entendu que Joe Dassin rêve de mener sa carrière.
Derrière le succès de ses disques, dans la coulisse de sa vie privée
qu'il tient à préserver soigneusement, Joe Dassin montre un caractère
exigeant et tolérant à la fois,
une perspicacité et une ouverture d'esprit sur le monde en général que
l'on ne rencontre pas toujours — tant s'en faut — sur la planète du show
business. Si les
chansons de Joe Dassin sont légères et distrayantes, les propos de
l'homme possèdent, eux, un poids plus éloquent. Et c'est sans doute à ce
fond de son caractère
qu'il doit une part importante de sa réussite, mais aussi la jalousie,
l'envie et les propos venimeux qui font les délices des entractes et des
loges.
“Il a une tête énorme !”, disent les uns, “Ses chansons sont
dégueulasses”, affirment les autres, “ses ventes sont truquées”,
chuchotent le chœur des pleureuses. A
ceux qui l'accusent de n'être qu'un amuseur et d'appartenir à la grande
confrérie des chanteurs qui ne vivent qu'en montrant leur derrière, il
répond — faisant allusion
à une célèbre affiche — : “Les fesses de Polnareff sont beaucoup moins
dangereuses pour l'avenir de l'humanité que les bouteilles en plastique
indestructibles”.
Ces propos nets et catégoriques qu'il tient en privé tranchent avec
l'image qu'il donne de lui. Dandy
vêtu de blanc, voix douce de chanteur de charme, rythmes vifs sans
agressivité, danseur et guitariste appliqué, il semble sortir d'une
bande dessinée aux couleurs
vives, bien léchées, destinées à idéaliser un monde où tout ne serait
que calme, douceur de vivre, charme et tendre ironie.
Mais cette image-là est un produit artistique, voulu, désiré, fabriqué
avec acharnement en surmontant les difficultés de la vie dont il ne
parle jamais dans ses
chansons. Le Joe Dassin tendre et pastellisé qui apaise pour un soir les
inquiétudes d'un public traumatisé par l'existence quotidienne est une
fabrication de l'homme
Joe Dassin qui possède une combativité bien réelle.
La preuve : son prochain projet était de Conquérir l'Amérique. Il y travaillait
assidument avec la même discipline, la même méthode, la même
professionnalité que mettrait
un homme d'affaires à conquérir un marché économique. Et cela aurait pu puisque déjà les producteurs américains rachetaient ses
chansons et ses
arrangements en pensant qu'il s'agissait de créations françaises alors que,
dans la plupart des cas, il s'agissait d'adaptations d'œuvres américaines.
"La Grande Madame Dassin" - tous les amis de Joe la nomment comme ça - est née à Nice. Elle a rencontré Joe Dassin en 1963 à Paris, et est devenue pas seulement la femme de sa vie, mais aussi sa "bonne étoile". Joe, qui avait beaucoup de talents, s'occupait de tout: il écrivait, il tournait des films, il doublait des films, mais il n'avait pas d'idée de devenir chanteur. Maryse, bien que séduite par la voix de Joe, n'avait pas envie de devenir une amie de chanteur. Pourtant, quand Joe, après l'échec de ses premiers disques, s'est mis sérieusement à s'imposer comme chanteur, elle a consacré sa vie à sa carrière.
"Elle était omniprésente dans l'ombre mais c'était la reine de l'ombre, - raconte Monique Le Marcis. - Elle a été le lien,
pour tout ce qui se passe bien."
Malgré
leur séparation, Maryse est restée fidèle au souvenir de Joe Dassin.
Avec Jacques Plait, elle a
écrit, en 1987, le plus beau livre qui existe sur Joe: "Cher Joe
Dassin". Ce portrait fascinant créé avec beaucoup de talent, d'amour et
de respect, fait du livre le véritable Bible des fans de Joe.
Les apparitions de Maryse à la télé sont, malheureusement, très rares - comme avant, elle préfère rester
plus loin des médias. Mais chaque interview, chaque apparition comme celle dans "Stars 90" de Michel Drucker est un régal -
un bel exemple de sincérité, de respect et d'amour.
C'est
à New York, le 5 novembre 1938, que naît Joseph Ira Dassin. Son père,
Jules, d'origine juive russe, tente de se faire un nom comme comédien,
pendant que sa mère Béatrice Launer, d'origine hongroise, est violoniste
dans un orchestre féminin. Installés à Los Angeles, Jules Dassin
devient dans les années 40 un des réalisateurs les plus talentueux de
Hollywood, et Joe mène une enfance agréable avec ses deux sours Rickie
et Julie, sous le soleil de Californie.
Mais engagé politiquement, le
père de Joe Dassin, est fiché sur les listes noires de la période
"maccarthyste" dès la fin de la guerre. Il décide donc de quitter les
Etats-Unis avec sa famille. Après quelques années d'incessants
déplacements à travers le monde, et la visite d'innombrables lycées pour
Joe, la famille Dassin s'installe à Paris en 1950.
Plus passionné par le sport, que par les études, Joe décroche tout de même son baccalauréat, à Grenoble, avec mention "bien". Après le divorce de ses parents, le jeune homme choisit, en 1956, de retourner aux Etats Unis où il s'inscrit à l'université, d'abord en médecine, puis finalement en ethnologie. Brillant élève, il obtient l'équivalent d'un doctorat. Parallèlement, il exerce de nombreux petits métiers pour payer ses études. Après avoir été cuisinier, éboueur, ou plombier, il décroche en 1958, un emploi de disc-jockey dans une radio de Détroit, WCX.
Il travaille à cette occasion avec le créateur du label Tamla Motown, Berry Gordy. Durant ces quelques années outre-Atlantique, Joe Dassin fait aussi la connaissance de Pete Seeger célèbre troubadour de la chanson folk américaine des années 60, qui devient son ami, et par l'intermédiaire duquel, il rencontre également Robert Zimmerman, qui ne s'appelle pas encore Bob Dylan.
Il commence doucement à s'intéresser à la musique et au chant, et avec un ami français, il se produit sur les terrasses des bars en interprétant Georges Brassens. Il en profite pour apprendre la guitare. Au début des années 60, de retour en Europe, il continue les petits métiers. Il touche un peu au cinéma par l'intermédiaire de son père, puis devient animateur sur la station de radio RTL. A cette occasion, il rencontre une attachée de presse de la maison de disques CBS qui lui propose d'enregistrer un 45 tours.
En mars 1965, sort alors "Je change un peu de vent", titre adapté d'un air américain. Les ventes ne dépassent pas mille huit cents exemplaires, mais cet échec pousse Joe Dassin à persévérer, persuadé qu'il peut réussir. Sa rencontre avec le parolier Jacques Plaid, donne naissance à des titres qui vont le faire entrer brillamment dans les hit-parades de l'époque. Dès 1966, avec "Bip Bip", il connaît son premier succès, et devient du jour au lendemain une véritable vedette.
Sa voix chaude et grave, ses origines américaines, son élégance, font de lui un personnage qui attise très vite la curiosité d'un public avide de nouveauté. Son répertoire, surtout à ses débuts, est largement inspiré de chansons américaines, folkloriques ou country. En 1966, Joe Dassin épouse Maryse, une jeune femme de sept ans son aînée, qui participe de très près à ses débuts puisqu'elle tient le rôle d'attachée de presse, secrétaire ou encore imprésario.
Apprenant les ficelles du métier sur le tas, Joe Dassin se singularise dès ses débuts par un perfectionnisme aigu. Il choisit d'enregistrer tous ses disques à Londres pour obtenir un son plus moderne et plus sophistiqué, et confie alors son travail à un des meilleurs arrangeurs du moment, Johnny Arthey. En 1967, il assure la première partie de la tournée de Salvatore Adamo, puis en 68, s'enchaînent les tubes, à commencer par "Les Dalton". Enfin, l'année 1969 marque la consécration du chanteur franco-américain. Outre une tournée au Canada et en Afrique, sa tournée d'été en France se passe dans des conditions dignes d'une star. Tous les récitals se déroulent à guichets fermés, et le public, essentiellement féminin, est déchaîné. Les disques d'or se multiplient, et Joe Dassin reçoit le Prix Charles Cros de l'Académie du disque, récompense décernée aux plus importants interprètes de la chanson française.
Puis à la rentrée 69, il monte sur la scène de l'Olympia, signe ultime de la réussite. Les années 70 s'ouvrent sous d'excellents auspices. En 1970, le titre "Les Champs-Elysées" bat des records de vente. De 70 à 75, il navigue entre tournées à succès, disques d'or, et luxueux shows de télévisions. En mai 1972, il acquiert un terrain à Tahiti, près de l'île de Bora Bora, où il peut pratiquer un de ses sports favoris, la pêche en haute mer. Il s'y rend alors le plus souvent possible toujours entouré de nombreux amis, dont le chanteur Carlos. Ce dernier est d'ailleurs le seul artiste, autre que lui-même, pour qui Joe Dassin écrira des chansons .
Le 19 février 1974, il retrouve la scène de l'Olympia. Ses paroliers attitrés s'appellent alors Claude Lemesle et Pierre Delanoë. C'est à eux que Joe Dassin demande en 1975, d'écrire un titre qui pourrait devenir le tube de l'été. Ainsi, en octobre, "L'été indien", adaptation d'un succès de l'italien Toto Cutugnio, devient la plus grosse vente de toute sa carrière. Cette année-là, Joe Dassin achète une maison au nord de Paris, en Seine et Oise, et outre ses appartements privés, il y monte un studio et installe ses bureaux, afin de contrôler au mieux tous les aspects de sa carrière. 1975, est aussi l'année de son divorce.
En 1976, Joe Dassin envahit les hit-parades avec "Ça va pas changer le monde", puis en 77, c'est le titre "A toi" qui emporte les faveurs du public. D'un naturel discret sur sa vie privée, Joe Dassin fait cependant la Une des magasines en 1978, année de son mariage avec Christine Delvaux, une jeune femme que le chanteur a rencontrée en Normandie deux ans plus tôt. Au milieu d'une foule d'admirateurs et de journalistes, le mariage a lieu le 14 janvier 1978 dans un petit village de Provence, Cotignac, où Joe Dassin possède une maison. Leur voyage de noces se déroule en Amérique du nord, entrecoupé cependant de concerts et d'enregistrements. Alors qu'il chante au Canada, naît le 14 septembre à Paris, son fils Jonathan.
En 1979, Joe Dassin monte sur la scène de l'Olympia pour la dernière fois. En décembre, une alerte cardiaque doublée d'une opération due à un ulcère à l'estomac, affaiblit le chanteur, qui annule toutes ses tournées. En mars 1980, naît un deuxième enfant, Julien. Mais, le couple divorce quelques semaines plus tard. Dans les mois qui suivent, Joe Dassin est victime de deux accidents cardiaques, à Paris puis à Los Angeles. Le 11 juillet , il donne un dernier gala à Cannes, puis part se reposer chez lui à Tahiti avec ses fils, sa mère et quelques amis. Là, il meurt d'un ultime infarctus le mercredi 20 août lors d'un déjeuner dans un restaurant de Papeete.
Extraordinairement populaire, Joe Dassin appartient au patrimoine de la chanson française. Très écoutées et très vendues dans le monde entier, ses chansons sont encore aujourd'hui, presque vingt ans après sa mort, largement diffusées sur les ondes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire