jeudi 20 novembre 2014

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l'amitié sincère poème de Malalexix 2001

L

L'amitié sincère

L'amitié est une preuve de confiance,
Où naissent nos plus belles confidences,
À l'ami des secrets ainsi dévoilés,
De peines enfouies restées inavouées.

Une épaule amie sur laquelle se reposent,
Nos peines, nos chagrins qui explosent,
Partager ensemble nos joies, nos douleurs,
Cet arc-en-ciel de toutes les couleurs.

Un ami se doit d'être loyal, fidèle,
Au fil du temps, au cours des ans,
Notre amitié n'en sera que plus belle,
Comme un jardin secret fleurissant.

L'amitié se dit sincère, de toute confiance,
Sans nul désir de reconnaissance.
Douce écoute réchauffant un coeur,
D'une âme en détresse qui conte malheur.

L'amitié raisonne nos idées folles,
Et l'ami vient ainsi vous conseiller,
De la sagesse dans ses paroles,
Et ce désir noble de vous aider.


Maxalexis Le droit d'auteur.

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l'oiseau merveilleux de la bouche duquel tombent les roses de mai : conte pour enfant Les contes divers (CONTES DU CAUCASE) contes du Caucase L'oiseau merveilleux de la bouche duquel tombent les roses de mai... une main d'acier s'ouvrit Tout ce qui restait d'habitants dans la capitale s'était réuni sur le rivage pour attendre l'arrivée des navires. La plupart de ces gens y étaient arrivés à grand’ peine, car ils étaient si affaiblis qu'ils se traînaient et rampaient plutôt qu'ils ne marchaient. Le Schah, ses ministres et les grands de la cour étaient au premier rang. Melik Mamed débarqua au milieu d'acclamations, de chants et de musique. Le Schah l'embrassa, les vizirs et tous les grands personnages baisaient le bord de sa robe, les ménestrels chantaient ses louanges, le peuple se prosternait devant lui ; c'étaient des transports de joie sans fin. - Gloire à toi, ô puissant chevalier, lui dit le Schah. Tu nous as tous sauvés d'une mort affreuse. En récompense de tes services, je t'offre ma fille pour fiancée et je te donnerai mon royaume tout entier. La seule chose que je ne puisse t'offrir, c'est celle que tu m'as demandée. Pardonne-moi, car je n'ai jamais ouï parler de l'Oiseau merveilleux et ne saurais que t'en dire. Le tzarevitch était fort déçu et il s'emporta. - Je n'ai que faire de ton royaume, répondit-il au Schah, le mien me suffit. Quant à ta fille, je ne l'épouserai pas, fût-elle plus jolie encore que les houris du paradis. Ce que je veux, c'est savoir où je pourrai trouver l'Oiseau merveilleux qui sauvera mon père de la mort. Puisque vous ne pouvez rien m'en dire, j'ai perdu ici un temps précieux. Tirant alors de sa poche une touffe de poils de la barbe du démon, il la brûla tout entière. Le démon parut instantanément et son apparition était si effrayante que beaucoup de gens moururent de frayeur. Ceux qui restaient s'enfuirent éperdus, semant les routes de leurs chapeaux et de leurs chaussures qu'ils perdaient dans leur course folle. Prompt comme une flèche, le monstre emporta son maître du côté du midi. Ils survolèrent la Mer Noire aux flots sombres et atterrirent dans une contrée inconnue, aux portes de la capitale d'un royaume dont ils n'avaient jamais entendu parler. - Je vais m'informer ici de l'Oiseau merveilleux, dit le tzarevitch. Il entra dans une ville, où régnaient le malheur et la désolation. Tout le monde portait des vêtements de deuil ; les maisons étaient tendues de noir et les gens assis aux portes se frappaient la poitrine et répandaient de la cendre sur leur tête. Les chiens même, au lieu de courir par les rues, se tenaient près des murs en aboyant lugubrement. - Que vous est-il arrivé ? Pourquoi êtes-vous tous en deuil ? interrogea Melik Mamed. - Hélas ! beau chevalier, un immense désastre s'est abattu sur nous. Une horrible sorcière a ravi la fille de notre Padischah. Elle l'a emportée dans son repaire qui se trouve près de la ville et elle anéantit par le feu tous ceux qui tentent de s'en approcher. Le Padischah a envoyé contre elle une armée, mais elle a brûlé tous les héros du pays. Le tzarevitch se dirigea vers le palais. Là, le malheur était si grand, qu'il serait impossible de le décrire. Les ministres et tous les gens de cour avaient les yeux rouges comme les baies du kiril et ils exhalaient une odeur d'oignon insupportable. Le Schah lui-même; tout ridé par le chagrin, avait versé tant de larmes que, ne sachant plus avec quoi les essuyer, il les séchait avec ses poings.








Il y avait une fois, dans un pays inconnu dont personne n'entendit jamais parler, et à une époque immémoriale où personne n'habitait encore ce monde - excepté le tout-puissant Allah - un mouton gras et superbe, qui paissait nuit et jour sur une montagne. Il broutait continuellement, se nourrissait en outre de choses excellentes, comme le pilaf aux raisins secs, si bien qu'il devînt extraordinairement gros et dodu. Un beau jour, le mouton disparut et un fils naquit chez le Tzar Melik Mamed, souverain de ce pays.
Impossible de savoir aujourd'hui si ce mouton merveilleux exista réellement, ou s'il s'agit d'une légende colportée à travers les siècles. Ce qui est certain, c'est que le tzarevitch Melik Mamed, non content de naître dans de si étonnantes circonstances, grandit si rapidement, que son vieux père, le Padischah, n'eut pas le temps de cligner de l'œil, qu'il était déjà grand et beau comme Joseph, sage et savant comme Platon, fort et brave comme Alexandre de Macédoine. Les maîtres les plus savants lui enseignèrent les sciences et il apprit l'art militaire à l'école des plus nobles chevaliers.
Le grand Padischah adorait son fils et il aurait voulu lui éviter le moindre désagrément ; mais il tomba subitement malade. Sa maladie était si grave et il souffrait à un tel point qu'il criait et se lamentait de telle sorte que gens, bêtes et oiseaux ne pouvaient plus goûter aucun repos. Le mal du vieux Padischah était vraiment une terrible chose et bien qu'il fût couvert d'or, cela ne l'empêchait pas de souffrir tout comme souffrent les créatures faites de chair et d'os.
Un proverbe dit que « pour nous, une flèche dans l'épaule d'autrui, c'est une flèche dans un arbre. » Mais on n'aurait pas pu appliquer ce dicton au tzarevitch Nielik Mamed. Il avait grand' pitié de son malheureux père et il fit venir tous les médecins du royaume pour qu'ils missent un terme à ses souffrances. Mais aucun d'eux ne réussit à soulager le Padischah. Alors le tzarevitch les condamna tous à mort ; puisqu'ils ne pouvaient pas guérir leur souverain, qui donc auraient-ils pu guérir ?
Cependant, ce châtiment n'améliora en rien l'état du malade ; il souffrait atrocement et criait si fort que tous les oiseaux du pays s'envolèrent, les bêtes prirent la fuite et il ne resta que très peu de gens dans le royaume.
Désespéré, le bon tzarevitch pria le Sultan voisin de lui envoyer ses médecins. Mais il ne s'en trouva pas un seul ; aussitôt qu'on leur parlait du Padischah, ils se sauvaient et on ne pouvait plus mettre la main sur eux. Il en resta pourtant un. C'était un très vieux moine, tout ratatiné et si voûté que son nez crochu touchait ses genoux. Mais il fallut bien en passer par lui et on l'entraîna de force chez le Padischah. Or, le vieux moine, malgré son aspect minable, était un grand médecin, célèbre et sage autant que Salomon. Un de ses yeux seulement lui permettait d'y voir encore un peu, mais il fallait qu'il le maintînt ouvert avec ses doigts. C'est ainsi qu'il ausculta très soigneusement le malade. Son examen terminé, le vieux moine dit :
- a Hélas, cette maladie est très grave ; c'est le démon qui l'a envoyée et les hommes sont incapables de la guérir. Mais si l'on trouvait l'Oiseau merveilleux - le Mourgui-Guilli-Schandan -¬ qui, lorsqu'il chante, laisse tomber de sa bouche les roses parfumées de mai, notre Padischah pourrait être sauvé.


le vieux moine ausculte le malade 


Allah lui fasse grâce et le protège ! Le démon qui habite dans ses entrailles (l'entendez-vous crier ce fils du diable ! ) ne supportera pas le chant de l'Oiseau merveilleux, ni le parfum de ses roses. Il prendra la fuite et le Padischah sera délivré. »
- Eh bien, mets-toi à la recherche de cet oiseau et apporte-le moi au plus vite, si tu tiens à ta tête, ordonna le tzarevitch.
Mais le moine était si vieux qu'il ne tenait guère à la vie et rien ne l'effrayait plus. Il répondit simplement au fils du Padischah :
- Je vois que le proverbe dit vrai : « Pose les pantoufles devant les pieds d'un sot et il s'offensera de ce que tu ne l'en aies pas chaussé. » Mon rôle de médecin est de prescrire le remède, mais c'est à toi à te le procurer. Comment pourrais-je savoir où se trouve l'Oiseau merveilleux ? Si je le savais, je serais en ce moment plus jeune et plus fort que toi.
Là-dessus le vieux médecin s'en alla péniblement.
Alors le tzarevitch se mit à réfléchir. Où et comment trouverai-je cet étrange oiseau ? se demandait-il à chaque instant, car son père lui faisait grand’ pitié.
Il réunit tous les sages et les sorciers de son royaume, espérant qu'ils lui procureraient ce qu'il cherchait. Mais personne ne savait rien de l'Oiseau merveilleux. Furieux de ce qu'aucun d'eux ne sût son métier, Melik Mamed les fit mettre tous à mort.
La guérison du Padischah n'en fut pas plus avancée et il continuait à souffrir et à crier de plus belle.
Son bon fils restait plongé dans de longues méditations et décida enfin qu'il irait lui-même à la recherche de cet étrange oiseau.
- Si je ne le trouve pas, qui donc pourra le trouver ? se disait-il.
Je suis plus fort et plus intelligent que tous : je suis fils de Tzar...
Il sella donc son coursier noir aux pieds blancs, avec la selle royale aux étriers d'or. Il revêtit sa cotte de mailles d'acier de Damas, dont chaque maille était sertie d'une pierre précieuse, et ce haubert d'un prix inestimable était si lourd que trois hommes avaient peine à le soulever. Il se couvrit la tête d'un casque de combat si brillant qu'il aveuglait comme le soleil car il était recouvert de diamants taillés et surmonté d'une pointe d'or qui devait non seulement l'orner, mais encore le rendre plus résistant.
Puis le tzarevitch saisit de sa main gauche son solide bouclier fait d'acier de Damas et de sept peaux de taureaux et sur lequel étaient gravées en lettres d'or des paroles telles qu'il n'y en a pas de plus efficaces, car ce sont celles du Coran. II fixa son arc à la selle, près de son genou gauche et prit son carquois garni de flèches. Près de son genou droit se trouvait encore sa hache de combat. Cette dernière. arme était telle, qu'un simple mortel n'aurait jamais pu la manier, mais entre les mains d'un héros, elle faisait, d'un seul coup, voler les rochers en éclats. Enfin, il se munit encore d'une longue et pesante pique à pointe d'or et glissa un poignard dans sa ceinture.
De toutes ces armes, la meilleure était sans contredit son sabre, Et ce qui rendait ce dernier précieux, ce n'était ni son fourreau d'or orné de pierres précieuses, ni sa lame où étaient gravés trois loups et dont le métal ne se rouillait ni ne s'émoussait : c'était sa poignée, car cette poignée avait été faite de la crosse même que Mahomet éleva contre les idolâtres, en disant : « Que la vérité paraisse et que le mensonge s'enfuie! » Ces paroles étaient gravées en lettres de diamants sur la poignée du sabre et celui qui le brandirait dans la bataille n'aurait à redouter ni sorciers, ni démons, ni aucune
puissance infernale


Quand il fut ainsi harnaché 

Quand il fut ainsi dûment harnaché, le tzarevitch alla prendre congé de son père. Il se prosterna devant lui, baisa sa main amaigrie en guise de bénédiction - le vieux Padischah était si faible qu'il ne pouvait même plus soulever sa main - puis il sauta sur son cheval et partit pour courir le monde, à la recherche de l'Oiseau merveilleux, de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai.
Le temps fuyait, rapide comme un torrent de montagne. Le jeune héros n'aurait pu dire combien de temps il galopa, ni quelle distance il parcourut. Il franchit enfin la montagne des Pies, celle des Corbeaux, traversa d'innombrables rivières et arriva, un soir, dans une profonde vallée. Celle-ci était couverte d'une épaisse et sombre forêt, mais un feu brillait au centre.
- Je pourrai peut-être passer la nuit ici, près du feu, en compagnie de braves gens, se dit Melik Mamed.
La nuit descendit avant qu'il n'eût atteint la forêt et lorsqu'il y pénétra, il faisait absolument noir. Impossible de rien distinguer. Mais un héros ne se laisse pas rebuter pour si peu et Melik Mamed entra courageusement sous les arbres. Ils étaient étroitement entremêlés ; des buissons épineux s'accrochaient au chevalier, des broussailles enlaçaient les pieds de son cheval et les oiseaux nocturnes criaient et se lamentaient lugubrement à la cime des arbres. Le tzarevitch n'était pas superstitieux. Il se fraya un chemin en taillant avec sa hache tout ce qui s'opposait à son passage, et toute la forêt résonnait du craquement des arbres qui s'effondraient.
Au centre de la forêt, dans une grande prairie, brûle un feu énorme, alimenté de chênes séculaires et sur lequel rôtissent sept taureaux embrochés au tronc d'un pin géant. Melik Mamed s'approche de l'immense brasier. Tout à coup, un autre feu s'allume ; plus haut que la forêt, des gerbes d'étincelles jaillissent dans les airs et un monstre horrible, paraissant descendre des nuages, fond sur le tzarevitch, comme le faucon sur la perdrix. Il tâche de le déchirer de ses griffes, ou de le fracasser d'un coup-de sa puissante queue, terminée par sept meules de moulin. Il s'acharne et lutte férocement, mais le tzarevitch tient bon.
Ils furent aux prises trois jours et trois nuits, sans que le monstre pût nuire au héros, mais aussi sans que celui-ci parvînt à le toucher de son arme.
Le troisième jour touchait à sa fin, lorsque le monstre tua le cheval de Melik Mamed. Alors la lutte devint plus difficile pour celui-ci, car il était désormais à pied. Sa lourde cuirasse menaçait de lui faire perdre l'équilibre, ses genoux vacillaient et ses bras vigoureux étaient affaiblis par cet incessant combat. Le tzarevitch se mit à prier :
- Oh ! Allah ! tout-puissant, n'abandonne pas ton serviteur dans cette épreuve. Je ne lutte pas pour moi, mais pour mon vieux père.
Et Allah, - loué soit son nom - entendit la prière du héros. Il lui répondit en lui envoyant une inspiration.
Au moment où le monstre se précipitait une fois de plus sur lui, Melik Mamed rassembla toutes ses forces et enfonça son sabre dans le corps de son terrible adversaire



 un monstre horible



La terre trembla, les chênes centenaires craquèrent et s'abattirent avec un bruit sourd... le monstre était tombé à la renverse, car toute sa force avait disparu, au moment où la poignée du sabre sacré avait touché sa poitrine.
Sans perdre une seconde, le tzarevitch se jeta sur lui et allait enfoncer son poignard dans la gorge du monstre pour lui trancher la tête, lorsque celui-ci commença à le supplier de lui faire grâce.
- Ne me tue pas, ô puissant chevalier, accorde-moi la vie et je serai ton esclave dévoué. Tu as perdu ton cheval ; eh bien, prends place sur mes épaules ; je te porterai où tu voudras et à une allure aussi rapide que la pensée.
- Je te ferai grâce, répondit Melik Mamed, à condition que tu me portes là où je pourrai trouver l'Oiseau merveilleux de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai.
Le monstre se reprit à craindre pour sa vie et il continua d'un ton triste :
- Hélas, fameux chevalier, j'ignore où se trouve cet oiseau. Je n'en ai jamais entendu parler et pourtant, j'ai parcouru tout l'hémisphère nord. J'ai vu le séjour des peuples maudits de Goge et de Magoge, la mer de feu où se couche le soleil et les pays qui ne sont que déserts brûlés et nus.
Peut-être cet oiseau habite-t-il dans des contrées plus lointaines encore, celles qui se trouvent
au-delà des jardins féériques de Farachbani, au royaume des Fées. Mais je ne pourrais pas y pénétrer, car les démons et tout ce qui est maudit meurent à la frontière de ces royaumes.
- Eh bien, porte-moi où tu pourras ! acheva le tzarevitch, et en disant cela, il coupa la barbe hérissée du démon et la mit dans sa poche. Il savait bien, le sage Melik Mamed, que cette barbe lui donnait pleins pouvoirs sur le monstre. Il n'aurait qu'à en brûler un seul poil pour que le démon se présente devant lui et exécute sa volonté sans conteste.
Le serviteur d'un nouveau genre se leva péniblement, se secoua comme un chien mouillé, plia les genoux devant son maître pour qu'il pût prendre place sur ses épaules et s'envola avec lui, plus rapide que le vent; à la recherche de l'Oiseau merveilleux de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai.
Ils atteignirent bientôt les rives de la Mer Blanche, traversèrent rapidement ses flots blancs et virent apparaître une belle et riche ville, sans doute capitale d'un royaume inconnu.
- Arrêtons-nous ici, dit le tzarevitch au démon. Nous apprendrons peut-être quelque chose au sujet de l'Oiseau merveilleux.
- Il sera fait selon ta volonté, mon maître, répondit docilement le démon, mais permets que je prenne terre en un endroit écarté, afin que les gens ne meurent pas de frayeur en m'apercevant. Si tu as besoin de moi, tu sais comment appeler ton esclave. Melik Mamed entra donc seul dans la ville. Il n'avait pas vu de gardes aux portes et s'avança à l'intérieur de la cité sans rencontrer personne. Les rues étaient larges et pavées de marbre, mais il y régnait un profond silence, interrompu seulement par la chanson des fontaines placées dans les carrefours et le bruissement de hauts peupliers qui semblaient se murmurer des choses tristes. Toutes les boutiques étaient fermées, les places de marché désertes, et l'on n'entendait voix d'hommes ni de bêtes.
Le tzarevitch parvint jusqu'au palais royal sans avoir aperçu âme qui vive. Il entra. Dans la salle de parade se tenait le Schah, assis sur son trône d'or ; mais il était extrêmement maigre et pâle et autour de lui se tenaient, debout contre les murs, les vizirs et les grands du royaume, tous dans un tel état de maigreur que leurs os menaçaient de transpercer leur peau. Devant le Schah, il y avait un plateau de diamants, sur lequel était servie une croûte de pain sec.
- Je vous salue, ô grand Padischah. Allah vous soit miséricordieux et vous protège ! prononça le tzarevitch. Mais que se passe-t-il dans votre capitale ? Où sont donc vos ministres, vos gens de cour ? L'ange de la mort a-t-il emporté toutes les âmes de votre royaume ?
- Le salut soit avec toi, sois le bienvenu, ô jeune chevalier ! articula péniblement le Schah. Puis il poursuivit d'une voix à peine perceptible :
« La peste règne ici ; mon peuple meurt de faim et je suis moi-¬même bien près de la mort. Il y a de riches moissons dans l'île voisine et elles sont déjà récoltées, mais on ne peut ni y aller, ni en revenir avec des transports de blé ; dès que les navires sont en mer, une main d'acier surgit des flots, fracasse les nefs et noie tous les équipages. »
- Consolez-vous, ô Padischah, la fin de vos souffrances est proche. Je suis prêt à vous secourir si, en échange de mes services, vous m'indiquez où je pourrais trouver l'Oiseau merveilleux de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai.
- O puissant chevalier, si tu me sauves, moi et mon peuple, je t'indiquerai certainement comment trouver cet oiseau, s'exclama le Schah tout joyeux.
Melik Mamed retourna au bord de la mer, appela son démon et ils fendirent l'air pour atterrir dans l'île où se trouvaient les provisions de blé. Plus de mille navires remplis de grain jusqu'au bord étaient à l'ancre dans le port, mais hélas ! aucun matelot n'avait pu conduire son bâtiment jusqu'à la capitale. Tous ceux qui l'avaient essayé étaient tombés victimes de la terrible main d'acier surgissant du fond des eaux.
Mais notre héros sut si bien faire qu'il leur rendit le courage et les décida à mettre à la voile. Ils s'embarquèrent par un vent favorable et naviguèrent droit sur la capitale, où ils étaient depuis si longtemps attendus.
bord étaient à l'ancre dans le port, mais hélas ! aucun matelot n'avait pu conduire son bâtiment jusqu'à la capitale. Tous ceux qui l'avaient essayé étaient tombés victimes de la terrible main d'acier surgissant du fond des eaux.
Mais notre héros sut si bien faire qu'il leur rendit le courage et les décida à mettre à la voile. Ils s'embarquèrent par un vent favorable et naviguèrent droit sur la capitale, où ils étaient depuis si longtemps attendus.
Debout sur la proue du premier navire, Melik Mamed guettait son ennemi. Au moment où les navires parvinrent au milieu de la mer, une tempête terrible s'abattit sur eux. Des vagues énormes se précipitaient sur les nefs comme des troupeaux de bêtes féroces. Soudain, les flots s'ouvrirent et la terrible main d'acier, aux griffes acérées, s'éleva du fond de la mer. Ses griffes s'enfoncèrent dans la coque du premier navire, qui craqua et tressaillit... Mais le tzarevitch veillait. Sans se laisser effrayer par cette apparition, il brandit son sabre, frappa un coup terrible que tout le monde entendit et la main tranchée s'enfonça avec fracas dans l'eau tourbillonnante. Aussitôt la tempête se calma, le ciel s'éclaircit, on eût dit que l'eau dormait.
Un petit oiseau s'éleva alors de la mer apaisée, vola trois fois autour du héros et lui dit :
- Je suis la fille cadette de la reine des Fées qui habite les jardins de Farachbani. O beau chevalier, tu m'as sauvée de la domination cruelle d'un horrible démon. Si jamais ton destin te conduisait dans notre beau pays toujours vert, je me souviendrai de tes services.
L'oiseau lui lança une bague d'or, s'envola et disparut dans le firmament.

une main d'acier s'ouvrit

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Tout ce qui restait d'habitants dans la capitale s'était réuni sur le rivage pour attendre l'arrivée des navires. La plupart de ces gens y étaient arrivés à grand’ peine, car ils étaient si affaiblis qu'ils se traînaient et rampaient plutôt qu'ils ne marchaient. Le Schah, ses ministres et les grands de la cour étaient au premier rang. Melik Mamed débarqua au milieu d'acclamations, de chants et de musique. Le Schah l'embrassa, les vizirs et tous les grands
personnages baisaient le bord de sa robe, les ménestrels chantaient ses louanges, le peuple se prosternait devant lui ; c'étaient des transports de joie sans fin.
- Gloire à toi, ô puissant chevalier, lui dit le Schah. Tu nous as tous sauvés d'une mort affreuse. En récompense de tes services, je t'offre ma fille pour fiancée et je te donnerai mon royaume tout entier. La seule chose que je ne puisse t'offrir, c'est celle que tu m'as demandée. Pardonne-moi, car je n'ai jamais ouï parler de l'Oiseau merveilleux et ne saurais que t'en dire.
Le tzarevitch était fort déçu et il s'emporta.
- Je n'ai que faire de ton royaume, répondit-il au Schah, le mien me suffit. Quant à ta fille, je ne l'épouserai pas, fût-elle plus jolie encore que les houris du paradis. Ce que je veux, c'est savoir où je pourrai trouver l'Oiseau merveilleux qui sauvera mon père de la mort. Puisque vous ne pouvez rien m'en dire, j'ai perdu ici un temps précieux.
Tirant alors de sa poche une touffe de poils de la barbe du démon, il la brûla tout entière. Le démon parut instantanément et son apparition était si effrayante que beaucoup de gens moururent de frayeur. Ceux qui restaient s'enfuirent éperdus, semant les routes de leurs chapeaux et de leurs chaussures qu'ils perdaient dans leur course folle.
Prompt comme une flèche, le monstre emporta son maître du côté du midi. Ils survolèrent la Mer Noire aux flots sombres et atterrirent dans une contrée inconnue, aux portes de la capitale d'un royaume dont ils n'avaient jamais entendu parler.
- Je vais m'informer ici de l'Oiseau merveilleux, dit le tzarevitch.
Il entra dans une ville, où régnaient le malheur et la désolation. Tout le monde portait des vêtements de deuil ; les maisons étaient tendues de noir et les gens assis aux portes se frappaient la poitrine et répandaient de la cendre sur leur tête. Les chiens même, au lieu de courir par les rues, se tenaient près des murs en aboyant lugubrement.
- Que vous est-il arrivé ? Pourquoi êtes-vous tous en deuil ? interrogea Melik Mamed.
- Hélas ! beau chevalier, un immense désastre s'est abattu sur nous. Une horrible sorcière a ravi la fille de notre Padischah. Elle l'a emportée dans son repaire qui se trouve près de la ville et elle anéantit par le feu tous ceux qui tentent de s'en approcher. Le Padischah a envoyé contre elle une armée, mais elle a brûlé tous les héros du pays.
Le tzarevitch se dirigea vers le palais. Là, le malheur était si grand, qu'il serait impossible de le décrire. Les ministres et tous les gens de cour avaient les yeux rouges comme les baies du kiril et ils exhalaient une odeur d'oignon insupportable. Le Schah lui-même; tout ridé par le chagrin, avait versé tant de larmes que, ne sachant plus avec quoi les essuyer, il les séchait avec ses poings.

 
Melik Mamed salua le Schah et s'apitoya fort sur sa douleur, Puis il lui dit :
- Permets-moi d'essayer de délivrer ta fille et pendant que je ferai cela, informe-toi, ô fameux Schah, si l'un de tes sujets a jamais entendu parler de l'Oiseau merveilleux de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai. Il me faut absolument cet oiseau et je ne sais où le trouver.
Tout en pleurs, le Schah lui répondit :
- O hardi jeune homme, ne sacrifie pas ta jeunesse à ma cause. J'avais douze héros plus forts que toi et une armée de soixante-dix mille guerriers. Ils sont partis pour délivrer ma fille - mon trésor, mon âme - et aucun d'eux n'est revenu. Ils gisent tous devant la caverne de la sorcière, calcinés par son haleine de feu.
- Toutes choses sont entre les mains d'Allah, répartit Melik Mamed. Un héros ne doit pas redouter le danger. Donne-moi sept cents ouvriers munis de cordes et de crochets pour déblayer les cadavres devant la caverne de la sorcière et j'irai me mesurer avec elle.
Le Schah envoya les sept cents hommes et Melik Mamed les suivit.
Les montagnes s'élevaient tout près de la ville. Ils traversèrent d'abord une vallée. puis s'engagèrent dans une gorge qui allait se rétrécissant à mesure qu'ils avançaient. Cela devint un véritable couloir bordé de hautes parois, puis les rochers s'écartant tout à coup, une large vallée fermée d'une ceinture de crêtes dentelées apparut. La vallée était jonchée de cadavres humains carbonisés, entremêlés d'armes et de cadavres de chevaux. Faisant face à la gorge, une caverne immense et toute noire s'ouvrait dans le flanc de la montagne, béante comme la gueule énorme d'un monstre. Un silence de mort régnait partout ; on n'entendait ni cris d'aigles, ni hurlements de loups parmi les cadavres.
Pendant que les ouvriers déblayaient l'entrée de la vallée pour pouvoir y pénétrer, Melik Mamed rentra un peu dans la gorge et brûla un poil de la barbe de son démon. Mais au lieu d'accourir auprès de son maître, comme il en avait l'habitude, le démon se déroba derrière le rocher le plus proche, en jetant des regards inquiets autour de lui.
- Pourquoi te caches-tu ? Arrive ici, ordonna le tzarevitch. - Oh ! mon bon maître, ne me perds pas, moi, ton fidèle esclave, répondit l'autre d'une voix tremblante. A toi, cela ne te fera rien, car ton bouclier porte des paroles contre lesquelles le feu de l'enfer est impuissant ; mais si la sorcière jette contre moi son haleine de feu, je ne pourrai pas y échapper, pas même ici, sous ce rocher.
Avance-toi à sa rencontre jusqu'à une portée de flèche et vise-la. Ta flèche l'atteindra sûrement si tu en frottes la pointe contre la poignée de ton sabre sacré.
Le démon avait à peine achevé qu'un tourbillon de feu fit irruption dans la gorge, brûlant et calcinant tout, jusqu'à blanchir les pierres.
Melik Mamed se trouvait en fâcheuse posture ; il pouvait à peine respirer, mais il n'était pas homme à reculer. Il se couvrit de son bouclier et s'avança du côté de la caverne. Les sept cents ouvriers, munis de cordes et de crochets formaient des tas de cadavres qu'il lui fallut franchir pour arriver au milieu de la vallée, à l'endroit où le feu était le plus ardent.
Profitant de l'instant où la sorcière reprenait haleine, il risqua un coup d'œil de derrière son bouclier. Il vit, à l'entrée de la caverne, un affreux monstre dont le nez descendait jusqu'aux genoux. Sa bouche était munie de crocs énormes des deux côtés de la mâchoire et des cheveux semblables à des serpents s'enroulaient autour de sa tête.
Au même moment, la sorcière ayant repris haleine, rouvrit sa bouche hideuse et vomit un tourbillon de flammes si terrible que le tzarevitch faillit laisser échapper son bouclier. Mais il se redressa bien vite, tendit son arc et tira.

La flèche atteignit la sorcière qui poussa un rugissement pareil à celui de mille taureaux et roula du haut de sa caverne dans la vallée où elle expira. La flèche était entrée dans sa bouche et la pointe en sortait à la nuque.
Melik Mamed pénétra dans la caverne. Tout au fond de celle-ci, il trouva deux ravissantes jeunes filles attachées au rocher par des chaînes.
L'une d'elles lui dit qu'elle était la fille du Schah et l'autre lui parla en ces termes :
- Je suis la fille aînée de la fée reine des jardins merveilleux de Farachbani. O beau chevalier, tu m'as arrachée à la puissance de l'affreuse sorcière Kursi. Si ton destin t'amène un jour dans notre beau pays toujours vert, je saurai me rappeler tes services.
Avec ces paroles, elle jeta sa bague d'or à Melik Mamed et, s'étant soudain transformée en un oiseau, elle s'envola et disparut. Lorsque le tzarevitch amena au Schah sa fille saine et sauve, ce dernier faillit étouffer de joie. Il embrassait tantôt l'un, tantôt l'autre et voulait donner sa fille en mariage à Melik Mamed avec tout son royaume. Mais le tzarevitch déclina ses offres, sortit au plus vite du palais et gagna les alentours de la ville, où il appela son démon.
- Je te porterai maintenant tout droit aux jardins de Farachbani, lui dit son esclave. Si tu n'y apprends rien sur ton oiseau merveilleux, c'est qu'il n'existe pas.
Il s'éleva dans les airs et partit, plus rapide que le vent, dans la direction du midi. Ils survolèrent la Mer Bleue, la Mer Rouge et, après avoir passé encore la Mer Verte, le démon prit terre au pied d'une montagne de diamants. Il dit alors à Melik Mamed :
- O maître, je t'ai servi fidèlement et honnêtement et j'ai perdu la moitié de mes forces à ton service. Rends-moi donc ma liberté ; je descendrai sous terre pour m'y reposer pendant mille ans. Au-delà de cette montagne s'étendent les jardins toujours verts de Farachbani, le royaume des fées. Il est fermé de hautes murailles d'argent, aux crêtes de diamants. Pour les franchir, il te faudra tresser un lasso avec les poils de ma barbe, car eux seuls résisteront aux lames tranchantes du diamant.
Le tzarevitch lui accorda ce qu'il demandait, puis il passa la montagne et, étant arrivé au pied de la muraille d'argent, s'assit pour tresser son lasso.
Le mur était si haut qu'il lui fallut sept jours et sept nuits pour le faire suffisamment long. Enfin, au matin du huitième jour, il put lancer le lasso sur une dent de diamant et parvint ainsi à passer de l'autre côté du mur.
Les jardins féeriques de Farachbani sont si beaux qu'il est impossible de les décrire. Jamais œil de mortel ne contempla quelque chose qui pourrait leur être comparé. C'est le pays de l'éternel printemps, où l'air est tempéré par des brises caressantes et parfumées et où le soleil ne brûle pas plus que le froid n'y sévit. Des arbres toujours verts sont chargés à la fois de fleurs embaumées et de fruits magnifiques. Les oiseaux de paradis chantent dans leurs branches et les cerfs avec leurs daims folâtrent à leur ombre, au bord de ruisseaux cristallins. On n'y trouve ni bêtes féroces, ni serpents venimeux ; les tempêtes et les éclairs y sont inconnus, car ces jardins merveilleux sont le berceau de la paix et de la tranquillité.
Après s'être reposé sur un gazon moelleux, le tzarevitch se dirigea vers l'intérieur de ces splendides jardins. On ignore combien de temps il marcha, mais le temps lui parut très court, car plus il avançait, plus il voyait de choses enchanteresses. Il se trouva enfin au bord d'une vaste prairie émaillée de fleurs, qui la rendaient semblable à un tapis bigarré, et au milieu de laquelle s'élevait un palais de cristal rose, comptant sept étages.

A cette vue, le cœur du tzarevitch se serra d'un étrange sentiment de crainte ; il préféra ne pas s'en approcher de jour et se cacha dans un buisson pour attendre le soir. Il se trouvait à la lisière d'un bois et vit bientôt le soleil s'abaisser derrière la cime des arbres. Alors, sur les deux escaliers conduisant du palais à la prairie, il vit s'avancer des jeunes filles aux vêtements éblouissants ; elles descendirent nombreuses, l'une après l'autre, paraissant suivre deux jeunes beautés qui venaient les premières et portaient chacune une couronne d'or. Elles se rassemblèrent au milieu de la prairie et des jeux et des danses commencèrent sous le clair de lune, accompagnés du concert lointain des rossignols. Melik Mamed restait immobile de ravissement et ne pouvait détourner les yeux des deux jeunes beautés aux couronnes d'or qui lui semblaient plus belles que des houris de paradis. Mais elles, se détachant de leurs compagnes, s'approchèrent de l'endroit où il se tenait écarté, et, accoudées sur la pelouse, elles se mirent à causer :
- Que nous sommes heureuses dans nos jardins merveilleux, dit la première.
- Oui, répondit sa sœur, mais songe un peu à ce que nous serions sans le beau chevalier qui nous a sauvées. Toi, tu gémirais dans la prison sous-marine du monstre et moi, dans la caverne de l'horrible sorcière. Oh ! pourquoi n'ai-je pas demandé à notre héros s'il avait quelque désir à satisfaire ? Je lui aurais accordé tout ce qu'il aurait désiré ; mais je ne l'ai pas fait et la pensée de ne pas lui avoir prouvé ma reconnaissance trouble aujourd'hui mon bonheur...
A ce moment, deux bagues d'or tombèrent sur les genoux des jeunes princesses. Elles les examinèrent et s'écrièrent joyeusement, d'une seule voix :
Où es-tu, notre libérateur ? Parle, montre-toi.
Melik Mamed sortit alors de son buisson, s'inclina très bas
devant les belles princesses; puis leur dévoila qui il était et pourquoi il courait le vaste monde. Quand il eut achevé son récit, les jeunes filles voulurent lui offrir à manger. Il apparut aussitôt des tables chargées d'assiettes d'or remplies de mets exquis et de fruits savoureux, de carafes et de coupes de cristal pleines de jus de raisin parfumé.
Après le repas, les princesses des fées dirent à Melik Mamed : - Repose-toi tranquillement cette nuit. Nous prendrons conseil de notre mère, la Reine, et nous nous occuperons de ton bonheur, car nous savons où se trouve l'Oiseau merveilleux ; tu peux compter sur notre aide pour te le procurer et nous ferons davantage encore pour toi.
Le soleil n'était pas levé lorsque le tzarevitch s'éveilla le lendemain matin. Mais il avait une telle hâte de trouver l'oiseau qui devait sauver son père qu'il se leva immédiatement.
Fidèles à leurs promesses, les jeunes princesses l'aidèrent de leurs conseils.
- Bien loin d'ici, dans la direction du Midi, habite la reine Zeynette-Peri (ce nom signifie : la parure des anges des fées). C'est chez elle que tu trouveras l'Oiseau merveilleux de la bouche duquel, lorsqu'il chante, tombent les roses parfumées de mai. Le chant de cet oiseau et le parfum de ses roses guérissent toutes les maladies et conservent à l'homme sa jeunesse et sa vigueur jusqu'à sa mort. (Le vieux moine avait donc dit vrai). Mais les dons de cet oiseau sont impuissants contre la mort, car telle est la volonté d'Allah - loué soit son nom - que l'âme de tout mortel doit être un jour séparée de son corps.
La reine Zeynette-Peri, qui est la Beauté personnifiée, monte une garde assidue autour de l'Oiseau merveilleux. Elle ne te le cédera pas de bon gré, mais sois sans inquiétude. Voici un miroir.



 il prit l'oiseau


 Prends-le, il te sera utile. Et maintenant, nous allons appeler le grand aigle Roch qui te portera où tu voudras et t'apprendra tout ce qu'il te faut savoir.
Les jeunes fées avaient à peine achevé que, du septième ciel, descendit le grand aigle magique Roch. Melik Mamed prit place sur une de ses ailes et ils s'envolèrent vers le Midi, vers le royaume de Zeynette-Peri, la plus belle des créatures vivantes.
Si ce voyage avait dû se faire par mer ou par quelque autre moyen de transport plus rapide, il aurait fallu des années pour l'achever. Mais le soir même du jour où ils étaient partis, et après avoir franchi sept mers d'eau, sept mers de feu et sept mers de nuages, le grand aigle prit terre dans une prairie, près du palais de la reine Zeynette-Peri. Ce palais était situé sur une haute montagne de pierre, dressée jusqu'aux nuages et l'on ne pouvait y accéder que d'un seul côté, par un sentier très escarpé. Il n'y avait qu'une entrée et c'était un portail de fer, solidement verrouillé. C'est ainsi que la reine Zeynette-Peri gardait l'oiseau merveilleux.
Le grand aigle Roch, après avoir déposé le tzarevitch dans la plaine, s'envola très haut dans les airs, passa au-dessus du palais et disparut. Au bout de quelque temps, il revint auprès de Melik Mamed et lui dit :
- Oh ! tzarevitch, le bonheur te sourit. Tu arrives au meilleur moment possible : Quarante héros gardent nuit et jour la cage de l'Oiseau merveilleux. Ils ne dorment qu'un seul jour de l'année et ce jour est aujourd'hui. L'oiseau ne sera donc gardé que par deux lions. Ils sont terribles et féroces, mais ne crains rien : prends le miroir que t'ont donné mes jeunes maîtresses, tu éblouiras les lions de son reflet et ils tomberont aussitôt endormis. Empare-toi alors de l'oiseau et reviens ici au plus vite ; nous devrons quitter ces lieux avant le lever du soleil, car à ce moment-là, les quarante héros, les lions et la reine Zeynette-Peri s'éveilleront de leur sommeil. Et garde-toi bien d'oublier ce que t'ont dit les princesses des fées : ne lève pas les yeux sur le visage de la reine endormie, car sa beauté est telle qu'elle te ferait oublier tout le reste ; tu resterais là et périrais sûrement. Il t'est permis de ne la regarder qu'une fois, dans le miroir que t'ont donné les princesses. Après quoi, tu le poseras près de la reine et t'enfuiras.
Melik Mamed suivit à la lettre les conseils du grand aigle Roch. Il réussit à prendre l'oiseau merveilleux dans sa cage et à quitter le palais avant que le soleil n'eût jeté ses premiers rayons sur la terre. Il reprit sa place sur le dos de l'aigle et ils disparurent ensemble du royaume de la reine Zeynette-Peri.
Comme ils volaient aussi rapides que la pensée, le tzarevitch se trouva le matin même aux portes du palais de son père.
Le vieux Padischah respirait à peine, mais Allah - loué soit à jamais son nom - n'avait pas permis que l'ange de la mort allât chercher son âme avant qu'une nouvelle lune se fût levée dans le ciel depuis le départ de Melik Mamed. A ce moment-là, le vieux Padischah n'avait cependant plus qu'une heure à vivre. Le tzarevitch arrivait donc juste à temps.
Dès qu'il eût posé la précieuse cage au chevet de son père, l'Oiseau merveilleux se mit à chanter. Ce chant était si doux, si tendre, et le parfum des roses qui tombaient de sa bouche était si suave, que le vieux Padischah s'endormit paisiblement pour la première fois depuis le commencement de sa maladie. Son sommeil fut profond et bienfaisant, car le démon qui le tourmentait se trouva réduit à l'impuissance par le chant de l'oiseau et le parfum de ses roses, et il avait disparu dès que le malade s'était endormi.

Lorsque celui-ci s'éveilla, il était guéri et plus fort et plus sain qu'il ne l'avait été avant sa maladie. Il éprouva une joie immense en apprenant de la bouche de son fils tous les dangers que celui-ci avait courus pour se procurer l'Oiseau merveilleux. Son cœur de père se gonfla d'orgueil et afin que les nobles exploits de son fils restassent dans la mémoire de ses sujets, le Padischah ordonna qu'on les gravât en grandes lettres d'or, savamment alignées sur des peaux de veaux choisies, tannées et polies selon toutes les règles de l'art.
Cependant, on remarqua bientôt que Melik Mamed lui-même était toujours triste. Il maigrissait et pâlissait et le feu de ses yeux s'éteignait de jour en jour davantage. L'Oiseau merveilleux lui donnait ses plus délicieux concerts, ses roses n'avaient rien perdu de leur parfum exquis, mais rien n'arrivait à rompre l'enchantement que le tzarevitch avait subi, le jour où il avait vu, dans un miroir, l'image de la reine Zeynette-Peri, la plus belle des vivantes.
La joie fut donc de courte durée et la tristesse régna de nouveau dans le palais du Padischah. Le tzarevitch fondait comme la cire au feu ; il devint si faible qu'il ne pouvait plus se lever de sa couche et tous les remèdes étaient impuissants contre son mal.
Mais un jour, on entendit soudain le son des trompettes tout près du palais. Puis ce furent des roulements de chars, des beuglements de taureaux, des braiements d'ânes, des piétinements de
chameaux, une immense caravane défilant à travers la capitale.
Et l'on vit apparaître, sortant d'une tente d'or placée sur le dos de la première chamelle, la reine Zeynette-Peri, éblouissante de beauté comme un soleil.
A sa vue, le tzarevitch oublia tout : l'étiquette, les coutumes, son mal même avaient fui. Il se jeta dans les bras de la reine et l'embrassa.
Alors, la reine appuya câlinement sa tête sur le cœur du tzarevitch et lui dit :
- O cruel ! Pourquoi as-tu volé mon oiseau et emporté mon cœur ?
En parlant ainsi, la reine mit sous ses yeux le miroir magique qu'il avait laissé près d'elle, selon l'ordre du grand aigle et où l'empreinte de son propre visage s'était fixée à jamais, lorsqu'il y avait contemplé la reine endormie. Et elle lui raconta comment elle lui avait voué un grand amour dès qu'elle eut vu son visage dans le miroir, comment elle en avait souffert et n'avait pu retrouver sa joie, malgré tous les efforts des princesses-fées pour lui faire oublier son chagrin. Ces dernières lui avaient raconté tout ce qu'elles savaient du tzarevitch. La reine avait alors quitté son royaume, en emportant toutes ses richesses et, conduite par les princesses-fées, elle avait enfin réussi à arriver chez lui.
- Tu m'as tout pris, lui dit-elle en achevant son récit, eh bien, prends-moi donc moi-même aussi, car je ne peux plus vivre loin de toi.
Préparer une fête nuptiale dans le palais d'un Padischah est l'affaire de quelques instants. Les grands personnages qui officient en ces cas-là entrent comme par enchantement par telle ou telle porte, les tambours battent, on joue des cymbales ; des flûtes de cuivre résonnent, la foule qui s'assemble soulève des nuages de poussière et la fête bat déjà son plein. Ceux qui ont faim satisfont leur appétit, chacun oublie ses tristesses, il n'y a plus que de la joie.
J'y fus aussi à cette fête, moi qui vous conte cette histoire. J'y bus de fort bon vin et mangeai du « helva » délicieux. On me fit même présent d'un superbe poignard, mais il me serait impossible de vous le faire voir, car des vauriens me l'ont volé lorsque je rentrais chez moi.