jeudi 10 juillet 2014

Bernard Blier : tchao l'artiste



Aujourd'hui je vais vous parler de ce grand acteur à la bouille bonenfant, monstre du cinéma français. Bernard Blier.

Bernard Blier, comédien français, né à Buenos Aires le 11 janvier 1916, sa famille résidant alors en Argentine où son père, biologiste à l'Institut Pasteur, était en mission. 

Il fait ses études à Paris au lycée Condorcet puis cours d'art dramatique chez Julien Bertheau et Raymond Rouleau. Ce dernier le fait débuter à l'écran en 1937 dans TROIS, SIX, NEUF. Refusé trois fois au conservatoire Bernard Blier rencontre Louis Jouvet qui lui conseille de persévérer. 

Reçu au conservatoire il entre dans la classe de Jouvet. Toujours sur les conseils de Jouvet il fait du théâtre : "Mailloche ", " l'Amant de Paille"... Marcel Carné lui confie un rôle important dans HOTEL DU NORD. Il commence à s'imposer lorsque la guerre éclate. Mobilisé, prisonnier, il s'évade et revient à Paris où il retrouve plusieurs amis cinéastes dont Christian-Jaque. Il reprend le chemin des studios et refait du théâtre de façon régulière.

En 1947, grâce à Clouzot il joue dans QUAI DES ORFÈVRES et à Yves Allégret où il joue DÉDÉE D'ANVERS. Il devient un acteur de tout premier plan. MANÈGES  et enfin L'ÉCOLE BUISSONNIÈRE achèvent d'affirmer son talent. Bernard Blier après ses. remarquables compositions dans QUAI DES ORFÈVRES, MANÈGES, L'ÉCOLE BUISSONNIERE, est devenu un acteur fort sollicité aussi bien par le cinéma que par le théâtre. 


Son type d'homme le cantonne alors dans des emplois de maris trompés et d'amoureux bafoués. André Cayatte avec AVANT LE DÉLUGE et LE DOSSIER NOIR lui offre alors des rôles dramatiques marquants, rôles qui le font découvrir par les cinéastes italiens.

Dès lors Bernard Blier va se partager entre la France et l'Italie. En 1959 il est l'une des vedettes de l'admirable film de Monicelli LA GRANDE GUERRE. Plus tard il déclarera : "C'est grâce à LA GRANDE GUERRE que les Italiens m'ont adopté comme l'un des leurs". C'est en effet l'Italie qui lui offre alors des emplois remarquables sous la direction - entre autres - de Lizzani, Visconti et Corbucci. 


Toujours dans les années 1959-1960 il tourne avec un jeune réalisateur français, Georges Lautner, dont il ne tarde pas à devenir la vedette fétiche. Depuis déjà quelques années Bernard Blier apparaît comme un comédien de tout premier plan au sein du cinéma français. En Italie il est également un acteur recherché. Dans ces deux pays il tourne régulièrement tout en ne délaissant pas le théâtre en France.

C'est alors que Bernard Blier, se souvenant des déclarations que lui fit - jadis - le grand Jouvet, déclare: " Parlant des répliques, Jouvet avait raison quand il disait : C'est dans le superficiel qu'elles sont profondes. Toi tu commenceras ta carrière à cinquante ans, me répétait-il toujours. Il ajoutait : Prends ton temps. J'ai toujours suivi ses conseils. J'ai passé ma vie à observer les autres, en m'amusant des travers de chacun. " Déclarations faites au Journal du Dimanche le 18 mai 1975. De Lizzani à Visconti, de Lautner à Audiard, de Pierre Richard à Robin Davis en passant par son fils Bertrand, Bernard Blier se souvient des leçons de Jouvet.

CE CHER VICTOR en est une preuve flagrante. Très amaigri, à bout de forces mais chaleureux, souriant et bonhomme tel que l'écran l'avait si souvent révélé, Bernard Blier apparut pour la dernière fois en public le 4 mars 1989. sur la scène de l'Empire, lors de la cérémonie des Césars. Debout l'assistance ovationna longuement le comédien à qui Michel Serrault, larmes aux yeux, venait de remettre le César d'Honneur qui couronne sa prestigieuse carrière. Puis, avec sa modestie coutumière et après un ultime salut Bernard Blier disparut en coulisse. Quelques jours plus tard, le 29 mars, à Saint-Cloud, s'éteignait celui qui fut, durant un demi-siècle, le plus populaire des grands seconds rôles du cinéma français.

Depuis ses débuts, en 1936, il n'avait pratiquement jamais cessé de travailler et venait après au moins 180 films, d'ajouter à sa filmographie un dernier titre, italien, dont la traduction pourrait être, avec quelle ironie. " Un éclat de vie " ! En novembre 1987, il avait d'ailleurs prévenu un journaliste qui l'interrogeait sur son éventuelle retraite : "Ah, non ! Si j'arrête, c'est que je suis mort ! " " La revue du cinéma ", n°440. Bernard Blier avait tourné vingt-et-un longs métrages dans la dernière décennie de sa carrière, le plus souvent au-delà des frontières de l'Hexagone.

Onze de ces films furent en effet dirigés par des cinéastes italiens - " les Italiens sont superstitieux et se sont mis dans l'idée que je portais bonheur, mais il y a des films que vous n'avez jamais vus grâce au ciel ! " ibid - et deux autres par le Polonais Wajda et le Yougoslave Petrovic. Quant aux cinéastes français, ils préférèrent exploiter de l'acteur sa rondeur bon enfant et sa verdeur rabelaisienne, lui confiant surtout ces rôles comiques où, d'ailleurs, il excellait : ainsi l'inénarrable émir Abdullah de PÉTROLE! PÉTROLE. le magnat de la production cinématographique JE HAIS LES ACTEURS et Alexi, le ministre soviétique que titillent les sirènes du capitalisme TWIST AGAIN A MOSCOU; ou encore le vieux major homosexuel d'ADA DANS LA JUNGLE et le truculent Saltiel, le graveur sur marrons et os de poulet de MANGECLOUS.

Le comédien est réservé sur le bien-fondé de cette image de bon vivant : "Le côté rabelaisien ne me ressemble pas du tout". Ibid. Sans doute se sentait-il plus proche du gouverneur tsariste, défenseur de l'ordre établi, qu'il a interprété dans LES POSSÉDÉS et plus encore, du Staplin cauteleux et féroce acharné à la perte de Frank Poupart Patrick Dewaere SÉRIE NOIRE ou de cet inspecteur de police assassin créé pour lui dans BUFFET FROID par le cinéaste qui le connaît le mieux, Bertrand Blier, son fils.

Quoi qu'il en soit de ses légitimes regrets -" j' aimerais créer un type d'emploi tenu avant par des gens comme Raimu  ou Harry Baurr. Je peux les jouer maintenant mais on ne les écrit pas. " " Studio Magazine ", n' 26 - le fait que même la Télévision soviétique ait annoncé sa mort dit bien l'extraordinaire popularité, en France comme à l'étranger, d'un comédien qui ne manquait pas une occasion de rappeler: "Je n'ai jamais été une star ! " Sans doute est-ce la raison pour laquelle tant de spectateurs, de par le monde, l'ont reconnu et aimé comme un des leurs. En 1989, quelques mois après sa disparition, sa femme Annette Blier et Claude Dufresne, publièrent un livre de souvenirs intitulé, tout simplement " Bernard Blier





Sa vie 

 Naissance à Buenos Aires le 11 janvier 1916. Drôle d' endroit pour un parisien de pure souche mais, son père étant biologiste à l' Institut Pasteur, les aléas de son métier ont fait que le petit Bernard a vu le jour en Argentine.


De retour en France, la famille Blier s'installe à Paris où notre idole mène des études sans enthousiasme au Lycée Condorcet. Abandonnant lentement ses études, il commence à prendre des cours de théatre en 1931.Il se produit pour la 1 ère fois sur scène en 1934 à La Ciotat devant une salle à moitié pleine ou à moitié vide? pour un cachet de 50 francs. 

Ensuite, il s'inscrit au conservatoire où, il intégre la classe de Louis Jouvet. Aprés 3 échecs, il est enfin reçu en 1937. C'est au conservatoire qu'il fait la rencontre de deux jeunes gens avec qui il se lie d'amitié: François Perier et Gérard Oury. 


Il fait quelques apparitions au théâtre puis au cinéma jusqu 'à ''Hôtel du nord'' avec Arletty et Louis Jouvet où, enfin, il trouve un rôle à sa mesure : celui de l' éclusier fou amoureux d'Arletty. Un bonheur ne venant jamais seul, au mois d'Avril 1938, il épouse Gisèle qui lui donnera, le 14 mars 1939, le petit Bertrand. Il tourne ensuite '' Le jour se lève'' avec Jean Gabin. Cette rencontre est le début d' une longue amitié entre les deux hommes.


En juillet 1939, c' est le concours de sortie du conservatoire. De l' avis général, Bernard réussit la meilleure prestation mais, à l' annonce des prix, son nom est totalement oublié. Un début d' émeute a lieu dans la prestigieuse enceinte tandis que Blier, en larmes, est porté en triomphe par ses pairs. Mais comme cela peut sembler dérisoire par rapport à ce qui se prépare ! En effet, nous sommes fin août et la guerre se prépare. 


Bernard, comme tant de français, est mobilisé. Il se retrouve 2 ème classe dans un régiment d'infanterie à Mayence . Comme tant d'autres, il se demande ce qu'il fait là et passe son temps à écrire des lettres pleines de désarroi. Puis arrive le 10 mai 1940 et il se retrouve avec des milliers de soldats en partance pour l'Allemagne. Il est interné au stalag 17-A près de la frontière Austro-Hongroise et entame, bien malgré lui, une spectaculaire cure d'amaigrissement. Après presqu'un an d'emprisonnement et 27 kilos en moins, il arrive à se faire rapatrier comme sanitaire. De retour à Paris, il court le cacheton avec son nouveau physique : celui d'un séducteur! Des amis comme Christian-Jaque, Autant-Lara et Marcel Achard lui permettent de survivre en lui offrant des petits rôles au cinéma ainsi qu 'au théâtre .

A la libération, il enchaîne film sur film et chaque soir, il se produit au théâtre . Il y ajoute aussi des activités radiophoniques . Ce boulimique de travail reprend son ascension vers les sommets !!! 


Néanmoins, malgré la naissance de sa fille Brigitte, la vie de son couple se ressent de ses nombreuses absences et, les mauvaises langues diront, qu'il se pourvoit dans des relations  et des liaisons extra conjugales.


Dans les années 50, il joue des seconds rôles  beaucoup de cocus!  avec les plus grands réalisateurs mais il lui faudra attendre le début des années 60 pour obtenir des rôles à sa mesure.


Trois raisons à ce nouveau départ:


En 1958, le cinéma italien fait appel à lui et lui donne des rôles dramatiques dignes de son talent. Il tourneras plus de 30 films dans ce pays dont il aimait aussi la nourriture.

Sa collaboration avec Georges Lautner, Henri Verneuil et Michel Audiard, qui lui écrivent des textes cousu main, en font un acteur incontournable du cinéma français.


Puis, en 1960, il fait la rencontre d'Annette à Pontarlier. A 44 ans, il tombe fou amoureux de cette jeune femme de 20 ans plus jeune que lui. Après de multiples péripéties, il parvient à 
l' épouser le 06 octobre 1965 et ils vivront 26 années de bonheur. 


Les années 60 sont celles de la réussite ! Des rôles inoubliables dans des films devenus classiques. Il donne la réplique aux plus grands Gabin, Belmondo, Ventura,Lefebvre, etc... dans des tournages qui se passent dans la bonne humeur et l' amitié. Il tourne aussi dans des films sans prétentions où il excelle dans les rôles de gangsters maladroits. Fin 60, il connaît un petit creux en France, dû en partie à la nouvelle vague, mais début 70, une nouvelle génération va lui donner un nouveau départ.


Il tourne en compagnie de Pierre Richard et Jean Yanne et crée un nouveau rôle : celui du comique méchant ! Plus ignoble et antipathique, tu meurs  ! Mais le public en redemande et il enchaîne tournage sur tournage. En 1975, un grand moment arrive: il tourne sous la direction de son fils.'' Calmos'' ce film n' a pas le succès escompté mais le père et le fils récidiveront en 1979 avec '' Buffet froid'', un chef d' oeuvre d' humour noir. Entre temps, en 1976, il est remonté sur les planches et a créé ''A vos souhaits '' au Théâtre des Champs Elysées. C' est un énorme succès !!! 


Les années 80 se passent surtout en italie où il est considéré comme l' égal des acteurs locaux. Le 20 juin 1986, il est récompensé d' un Donattello du meilleur second rôle Le César italien pour ''Pourvu que ce soit une fille''. Il retourne une dernière fois au théâtre en 1981. Il joue ''Le nombril'' de Jean Anouilh à l' Atelier et c' est un triomphe !!!


Malheureusement, en 1985, un cancer de la prostate est détecté. Ses proches refusent de lui dire la vérité et Bernard continue son métier. Le mal continue sa progression et atteint les os. Le cinéma français s' émeut alors et lui attribue le César d' honneur en 1989. Lorsqu'il parait le 4 mars, sur la scène de l' Empire, la salle se lève et applaudit longuement le fantôme de Bernard Blier. Celui ci avance à petits pas, dialogue avec Michel Serrault, recoit sa statuette et s'en va. A ce moment, la France entière a compris qu'on ne le reverrait plus vivant. Cet hommage est un adieu !!!


Le 29 mars 1989, tout est fini! Et comme disait son ami Audiard:

Quand un type comme ça se retire, y'à pas de place a prendre

C'est la fin d'une époque !!!

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