je vous offre l'avant propos et le premier chapitre pour vous donner envie d'en savoir plus. Ce livre est vendu dans les fnac sous le titre Ils ont volé mon enfance de Marie R avec Annick Pellerin
Avant propos
Partout
dans le monde, ces histoires d’enfants martyrisés, qui n’intéressent personne,
se répètent. Ces enfants, vivant chaque jour de véritables cauchemars, mais qui
luttent de toutes leurs forces pour devenir quelqu’un. Marie est l’une de ces
petites filles torturée et abusée sexuellement, par l’amant de sa mère, une
prostituée qui l’a mise au monde à l’âge de dix-sept ans, et qui n’a jamais su
lui donner d’amour maternel.
L’histoire de Marie est malheureusement une histoire vécue par des
milliers de petites filles, qui
deviennent des femmes beaucoup plus tôt qu’elles ne le devraient. Ces petites
filles subissent jour après jour, l’inceste de la part de la personne qui
représente bien souvent l’autorité au sein du foyer. Celles à qui l’on demande
le plus grand silence autour de ces affaires sordides, pour éviter soi-disant
les représailles, mais jamais le silence n’a protégé des coups qui pleuvent
sans cesse.
Même si elles observent cette règle du mur du silence, rien ne protège leurs
petits corps fragilisés, martyrisés plus souvent que de raison. Le moindre écart
était toujours prétexte à subir des sanctions si pénibles qu’elles se
retrouvent souvent défigurées, par les coups puissants, trop souvent assénés
sans se préoccuper de leur gravité et de la souffrance physique et morale que
bien souvent, malheureusement ils entraînent
Marie est cette petite fille à
qui l’on a volé son innocence et son enfance, fait de sa vie un enfer sans que
personne ne vienne à son secours. Ni, les
services sociaux, ni, l’Éducation Nationale, ni le voisinage. Elle grandit
comme une recluse, dans la maison de l’horreur, jusqu’au jour où elle trouva au fond d’elle, la force d’échapper à
ce massacre, pour tenter de rester en vie. Malgré, cette vie cauchemardesque,
elle réussit grâce à Simone qui l’entoure de tout son amour, et plus tard son
ami Maxime, qui deviendra son mari, à se reconstruire et mener une vie normale.
Ce livre
est dédié à toutes les petites victimes du sadisme des adultes, qui vivent dans
l’angoisse, emmurée dans ce silence qui les tue peu à peu. Marie a voulu
exorciser ses cauchemars qui la hantaient jour et nuit depuis ce fameux soir,
alors qu’elle n’avait que neuf ans. Elle a voulu en finir une fois pour toutes,
avec cette enfance violée, cette vie brisée en pensant aux enfants qui sont
battus et abîmés, pour qu’ils ne restent pas enfermés dans cette triste
solitude, et les amener à trouver cette force au fond d’eux pour briser ce
monde du silence qui les entoure, et oser dénoncer les outrages qui leur sont
faits.
Marie est
ce bel exemple de petite fille, ayant été martyrisée plus qu’une enfant ne
puisse supporter, et réussit à se
reconstruire avec l’aide et l’incroyable patience de son mari Maxime, et à mener
cette vie dont toutes femmes rêvent, fonder un foyer, avoir des enfants,
qu’elle aimerait plus que tout au monde.
Chapitre I.
Je suis
arrivée par un beau matin de décembre assez frisquet. Ma mère n’avait alors que
dix-sept ans, et j’étais le fruit d’une aventure sans lendemain. Je compris
très vite que je n’étais pas une enfant désirée. Dès que je sus marcher et
qu’un visiteur se présentait, je devais me mettre dans le placard sous
l’escalier et surtout ne pas faire de bruit pour ne pas attirer l’attention.
Bien souvent, dans ce noir qui me faisait très peur, serrant contre moi ma
poupée de chiffon, je finissais par m’endormir.
Quand je
grandis, et que, comme tous les enfants du village, je devais aller à l’école,
je ne parlais pas. Je n’avais pas de camarade, je vivais avec cette cruelle
impression que personne ne me voyait. J’avais l’habitude d’être seule, mais
quand je voyais toutes ces petites filles qui jouaient, riaient, couraient,
chantaient, j’avais une folle envie de me mêler à leurs jeux, mais la peur
d’être rejetée me faisait rester dans mon coin.
J’étais
cette petite fille qui pleurait trop souvent à cause de ce que je subissais
chaque jour, le manque d’amour d’une mère qui ne me regardait qu’à peine, le
cachot sans l’avoir mérité et les coups qui pleuvaient comme une pluie de
grêlons sur mon pauvre petit corps meurtri. J’étais la plus petite, la plus
fluette de la classe, l’institutrice me plaça au premier rang juste devant
l’estrade de son bureau. Je ne venais pas à l’école tous les jours, mais il me
semblait déjà que cela ne dérangeait personne.
Je ne
savais pas lire aussi bien que les autres élèves, ce qui me valut souvent
d’être traitée d’ignorante. Un matin, cette institutrice plate et sèche qui ne savait pas ce que je vivais au
quotidien, me demanda, d’aller au tableau et de copier la dictée. Je me mis à
pleurer, j’avais honte de dire que je ne savais pas écrire, je ne savais que dessiner
les histoires que cette femme racontait au ralenti. Toute la classe se moquait
de moi, j’avais envie de m’enfuir, alors qu’elle me tirait l’oreille en me
traitant d’âne, de cancre, de bonne à rien. Je marchais sur la pointe des
pieds, grimaçant de douleur, puis je devenais hermétique à ses hurlements.
J’avais
l’habitude quand j’étais malmenée de, me mettre en boule comme un hérisson et
d’attendre que l’orage passe. Cette défense passive attisait la rage de
l’institutrice, ce qui la faisait crier encore plus fort en m’empoignant par
les épaules comme si, elle voulût me jeter dehors.
Je me
retrouvais régulièrement coiffée de ce drôle de chapeau, à oreilles pointues,
qui faisait rire toute la classe, qui devait sans doute trouver cela rigolo,
mais pour moi c’était une brimade de plus qui me saignait le cœur. Une offense profonde qu’elles ne comprenaient
pas.
Alors
qu’elle me hurlait dessus, j’entendais dans mon esprit confus, les élèves ricaner,
me montrer du doigt comme si je fusse une bête de foire, se moquer de moi
jusqu’à ce que j’éclate en sanglots, tremblant de peur. Je compris que comme
Serge le faisait, elle ne cherchait qu’à m’humilier.
Je
n’aimais pas beaucoup l’école et certains jours, elle m’apparaissait comme une
monstruosité destinée à ennuyer les enfants. Je détestais cette femme qui me
faisait faire des choses que je ne savais pas faire, ou que je ne pouvais pas
faire. Elle ne me donnait pas envie de changer et d’apprendre. Je me posais quantité
de questions sur cette vie qui m’était offerte comme un cadeau empoisonné.
Sur mon
visage personne ne percevait d’émotion, j’aurais tant voulu disparaître sans
faire de bruit !... Tourner cette page où il n’y avait aucune image qui me
fasse sourire. Pourtant, j’aurais voulu connaître comme tous les enfants de mon
âge, le plaisir de rire, courir, chanter sans me faire gronder. M’amuser sans
être maltraitée, mais je savais que pour moi, cette vie de rêve était sans espoir.
Parfois la
colère qui me dominait était si présente que je devenais méchante. Pourquoi ma
mère, qui n’était encore qu’une enfant elle-même, ne me comprenait pas ?
Pourquoi déchaînait-elle toute cette haine contre moi ? Quand j’avais trop
mal, je la suppliais d’arrêter toute cette violence qui me faisait tant
souffrir, je crois qu’elle restait sourde à mes appels, je ne pourrai garder de
mon enfance brisée, que cet horrible passé d’enfant maltraitée, d’enfant perdue
dans ses malheurs, comme un oiseau tombé du nid, que sa mère ne reconnaît plus.
En
grandissant, je me demandais pourquoi les adultes se servaient de leurs
pouvoirs à outrance. Pourquoi, étais-je aussi souvent battue, sans que personne
ne me donne ma chance ? Pourquoi personne ne se rendait compte que j’étais
sans défense ? Pourquoi devais-je vivre tant de souffrances,
d’humiliations ?
Puis un
jour, alors que je n’avais que neuf ans, l’un des visiteurs de ma mère posa ses
sales mains sur moi. Comme un abruti, il m’empêchât de crier en me posant sa
main fortement sur la bouche alors que son autre main se dirigeait vers les
parties les plus intimes de mon anatomie. Je n’étais qu’un ange, à qui ce sale
individu venait de couper les ailes.
Alors que
j’étais en larmes, je ne vis aucun remords sur son visage rayonnant. J’aurais
voulu à ce moment précis, que ce misérable, qui me volait ma vie, soit happé
par le diable lui-même et qu’il le fasse quitter cette terre, où il n’avait
plus sa place. D’un ton qui me glaça les os et le sang, il me dit :
_ Tu n’es qu’un minuscule grain de sable sur cette
terre, quelque chose d’insignifiant. Je n’avais plus envie de voir ces deux
visages qui ricanaient de me voir pleurer. Je me cachais dans mon refuge sous
l’escalier et pleurais toutes les larmes de mon corps, ce qui venait de
m’arriver me suivrait tout au long de mon existence. Je voulais mourir, mais je
me demandais si même avant cette ultime dernière minute, ma mère me donnerait
ce que j’attendais depuis toujours, un simple baiser pour me dire qu’elle m’aimait.
Ce sale
individu, dont j’avais l’image en horreur, devint un client régulier de ma mère
et, malheureusement je devais subir ses avances sans broncher, jusqu’à ce que
j’aie l’âge de lui dire que j’avais intention de dénoncer ses agissements, pour
qu’il me laisse enfin tranquille, mais le mal était en moi, et je savais que je
porterais ce mal, comme une croix toute ma vie. Rien ne me redonnerait mon
enfance volée, et personne ne saurait réparer ce mal qui m’avait été fait.
Je savais,
que je ne devais raconter à personne, ce que je vivais à la maison, les
représailles auraient sans doute été terribles. Je devais malheureusement faire
comme si toutes ces souffrances qui m’étaient infligées, étaient entourées d’un
interdit. Je n’avais donc pas d’autres choix, que de garder, au fond de moi, toutes
ces douleurs qui m’empêchaient de sourire à la vie. Je savais que même, si je
mettais toute mon énergie, à vouloir oublier ce que je vivais, rien ne pourrait
effacer une telle tragédie, de ma mémoire.
Je vivais
dans ce silence qui m’engourdissait et me paralysait. C’était toujours le même
rituel, le placard sous l’escalier, les coups, les insultes. J’étais devenue au
fil des ans d’une fragilité effrayante, et Serge en profitait. Entre ses
grosses mains, j’étais cet être si frêle, fragile et rempli de confiance qui aurait voulu hurler son mal-être à la
face du monde, et dénoncer ce geste immonde. Dans mon esprit la colère grondait,
comme en plein cœur d’un violent orage. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait,
je savais, que je n’avais le choix, que de subir le pire. Que j’étais par la
force des choses, obligée d’accepter l’inacceptable, l’inimaginable,
l’intolérable pour une enfant de neuf ans à peine et me taire.
Le premier
réveil après une telle souffrance est un réveil douloureux, l’esprit rempli de
cet acte monstrueux, et là, on se rend compte que quelque chose ne serait plus
jamais comme avant, que notre innocence est brisée à tout jamais et que notre
enfance bafouée, déchiquetée en mille morceaux ne pourrait jamais être recollée.
En
devenant une femme moi-même j’eus peur de n’avoir comme amie, qu’une bouteille
d’alcool qui me ferait oublier toutes ces années d’enfer. Même si les doses
étaient fortes, elles ne feraient disparaître cette douleur, que pour quelques
heures puis elle reviendrait au galop, dès que les vapeurs d’alcool seraient
dissipées. Je compris que ce n’était pas la solution. J’étais alors résolue à
confier toute cette souffrance à un psychiatre qui pourrait me donner les clés,
pour enfin trouver le bonheur.
Je choisis
donc de m’adresser à une femme, qui je pensais, comprendrait mieux ce que
j’avais traversé, qu’un homme. En sa présence, j’étais donc décidée à faire le
vide de tous ces souvenirs qui m’empêchaient d’être une femme, et je racontais
toute mon histoire depuis le plus loin que je me souvienne. J’étais enfin décidée
à faire rentrer la lumière dans ce cœur qui broyait du noir depuis si
longtemps. Je me sentis tout à coup, comme si le vent de la colère balayait toutes
ces années, qu’il venait nettoyer de fond en comble, cette mémoire enveloppée
d’un air empoisonné.
Si je
voulais me construire, je n’avais pas le choix, même si ce déballage me coûtait
beaucoup plus que je ne l’aurais imaginé, il fallait en passer par là. Si je
voulais avoir des enfants et me conduire comme une bonne mère, je ne devais
plus traîner cette douloureuse enfance, comme un boulet.
Je savais
qu’il y avait de par le monde beaucoup d’histoires, d’enfants maltraités, qui
ressemblaient à cette histoire, et que parmi tous ces enfants à qui un adulte a
volé l’innocence, certains parvinrent à
force de patience, de sacrifices et de volonté à s’en sortir. Je voulais
faire partie de ces enfants-là, qui réussirent à devenir de vraies femmes, malgré
toute cette souffrance.
Je sais
qu’il est difficile pour des gens ayant vécu une enfance, digne d’être appelée
ainsi, de comprendre ce que peuvent vivre des enfants dont le moindre geste, le
moindre sourire est prétexte à recevoir des coups. Je sais qu’il est
difficile, de comprendre quand on a eu un père, digne d’être appelé
« papa » que certains hommes puissent prendre, des petites
filles pour des femmes.
Je sais
aussi qu’il est impensable que certaines
mamans aiment si peu leurs enfants, qu’elles sont prêtes à toutes les bassesses
pour les faire souffrir. Je sais que tous ces gens se demanderont comment ces
enfants ayant subi de tels sévices survivent et finissent par en triompher.
La réponse
est simple, quand ces petites filles grandissent et qu’elles deviennent des
femmes, qu’elles se trouvent entourées, d’amour, par un homme qui les
respecte et surtout beaucoup d’écoute,
elles finissent par prendre le dessus. Ses mains, qui se posent sur elles dans
d’infinies caresses, deviennent alors ce réconfort qu’elles cherchèrent
longtemps en vain. Elles laissent alors derrière elles cette nuée de couleurs
sombres, ces montagnes d’idées noires, pour ne sentir que cette douceur qui remplace
la rage.
Elles se
laissent aller à écouter des mots qui mélangent encore trop souvent l’amour et
la peur. Elles regardent ces hommes au début avec des yeux vides d’émotion puis
peu à peu le calme s’installe dans leur
esprit et leur corps tout entier pour devenir avide de tendresse.
Elles
écoutent religieusement ces hommes leur parler de projets d’avenir. Leur dire des mots si beaux et si rassurants
qu’elles seraient prêtes à les suivre au bout du monde, des mots si forts,
qu’ils sont capables de briser les lourdes chaînes qui les entravent, des mots
remplis d’amour, qui effacent les rides,
laissées par des sourires forcés, qu’elles durent faire toute leur
jeunesse, à une foule qui les entourait.
Des mots,
si tendres qu’ils sont capables d’effacer cette chape de haine qui les blesse
et laisse des traces indélébiles au fond de leur cœur. Blotties au creux de
l’épaule de ces hommes qui leur apportent
ce réconfort tellement cherché, elles laissent couler en silence ces larmes qui
sans cesse lavent les affronts qui leur font si mal.
Puis elles
se laissent surprendre par de longs silences comme si un ange passât et
écartait d’elles ces mauvais regards comme des menaces, saturées de cette haine
tellement gratuite, qui se déchaîne sur elles en les laissant fracassées, en
mille morceaux.
Ces hommes
réussissent, à force d’amour et de patience, à les sortir de cet enfer, et font
briller au-dessus d’elles, ce soleil qui leur a tant manqué. La porte du bonheur s’ouvre enfin en jetant
un voile épais sur toutes ces souffrances, donnant libre cours à une douce
folie. Découvrant que finalement l’amour et la haine sont des sentiments aussi
puissants l’un que l’autre et peuvent faire autant de mal.
Cette
haine ayant fait, que pendant toute mon enfance, j’ai tant souhaité que chaque cri,
devint un profond silence. L’un de ces silences, qui vous enferme au plus
profond des ténèbres, pour ne jamais en sortir. Au cours de cette enfance, j’ai souhaité que ma mère
m’accorde un simple regard, pour me montrer que j’existais. Je ne demandais pas
une vie comme tous les enfants du monde, mais seulement un peu d’attention,
quand je n’allais pas bien, un peu de réconfort quand dans mon cœur tout
n’était que glace.
Toutes ces
nuits, à pleurer dans mon coin, souhaitant vivre dans un monde meilleur. Toutes
ces nuits de cauchemar, où je ne pouvais m’abandonner à rêver, car je n’en
avais pas le droit. J’enviais malgré moi, les petites filles de ma classe, qui
vivaient ces moments de grands bonheurs, d’être serrées dans les bras aimants
de leurs parents, la joie de recevoir une caresse sur leurs joues rosées,
goûter tous ces moments de joie en recevant un cadeau.
Moi, je restais blottie dans un coin de ma chambre,
avec cette peur rivée au ventre, que ce sadique n’ouvre ma porte et ne m’oblige
à satisfaire tous ces caprices. Je tremblais, il faisait froid dans mon cœur
comme dans ma vie.
Je passais
de longues heures à me demander ce que je faisais sur cette terre où je
n’intéressais personne. J’étais seule, enfouie dans cette misère qui
m’entourait, me sentant à chaque instant plus menacée, que, lorsque l’orage
gronde, et menace de tout détruire. J’avais ces envies de vengeance, qui
mûrissaient en moi. Des idées, qui devenaient meurtrières. Je souffrais tant
que je ne pouvais plus supporter toutes
ces larmes, qui me brûlaient les yeux. Ces larmes qui ne suffisaient pas à
noyer ma douleur, ni mes affreux souvenirs. J’aurais fait n’importe quoi pour
vivre un seul instant de tendresse, pour combler ce manque qui meurtrissait mon
âme et me faisait atrocement souffrir.
Sentir la
main de cette mère qui ne me parlait pas, ébouriffer mes cheveux, mais elle
restait de marbre, totalement insensible à ma détresse. Puis, le visage de ce
monstre m’apparaissait chaque fois que je tentais de fermer les yeux, me
laissant immobile et sans voix. Quoi que je fasse, je restais enchaînée à sa
brutalité, à cette violence qui me détruisait
chaque jour un peu plus.
Cette vie
de misère m’empêchait de respirer, toutes ces humiliations se gravaient, jour
après jour, profondément dans ma mémoire. J’avais au fil du temps, perdu mon
innocence. J’étais entourée pour mon plus grand malheur, d’une atmosphère de
solitude pesante. Je me sentais si seule avec moi-même, seule, avec mes
habitudes, que je ne voyais jamais cette petite étincelle qui brille dans les
yeux des enfants.
J’étais au
cœur de cette vie où tout me semblait flou, je n’avais pas d’enfance et peut-être aucun avenir !... Mon
existence ne tenait qu’à un fil, qui ne demandait qu’à se rompre sous le poids
de la misère.
Sans cesse des larmes coulaient sur mes joues,
noyant ma tristesse, dans un océan de détresse. Dans cette solitude les heures,
les minutes, les jours passaient interminables. Ma vie se résumait à cette
violence qu’elle me réservait, et contre laquelle je ne pouvais m’insurger. Je
savais depuis toujours que je resterais longtemps seule face à cette
souffrance, face à mes tourments. Ma mère, à aucun moment de ma misérable
existence, ne m’adressa un sourire qui me
réchauffa le cœur. Sa présence ne m’inspirait qu’une haine intense, avec un
mépris indéfinissable, sans broncher
j’encaissais les coups.
Elle ne
comprendra jamais que ce dont j’avais besoin, c’était simplement une mère qui
m’aimerait comme toutes les mères aiment leurs enfants. J’étais condamnée à
rester seule dans mon coin, à regarder par la fenêtre sans faire de bruit,
laissant les larmes ruisseler sur ma peau douce de fillette, en espérant que
l’on me comprenne un jour, que l’on m’écoute et peut-être que l’on
m’aime !... Mais le fait d’aimer et
d’être aimé, était-il vraiment pour les enfants comme moi !... J’en doutais.
Je dois
dire, que j’ai beaucoup envié les enfants, qui grandissaient dans des foyers
aimants et équilibrés, ces enfants qui ne se rendirent jamais compte, à quel
point je souffrais. Comment auraient-ils pu comprendre ce monde de violence
auquel ils étaient complètement étrangers, ce monde, qu’ils n’étaient même pas
en mesure d’imaginer.
Ce qui
console l’enfant qui vit une telle galère, c’est de se dire qu’il n’est pas
seul dans ce cas, et qu’il grossit seulement une liste déjà bien trop longue de
noms d’enfants, ayant vécu les mêmes galères et peut-être pires encore, et
surtout de se dire que rien n’est de sa faute.
On ne peut malheureusement rien, contre cette folie des êtres qui se
défoulent sur des enfants.
Aujourd’hui, ma vie de femme me fait comprendre que je peux non
seulement vivre une vie normale, mais que je peux transformer toute cette
souffrance en quelque chose de positif, alors je souhaite que ce ciel bleu qui luit au-dessus de moi,
ne se ternisse jamais. J’ai vécu avec ce mal enfoui en moi pendant tant
d’années, qu’il est devenu pour moi pire qu’un tueur en série, un personnage
cruel, sanguinaire, ignoble.
Je verrais
toute mon existence, les yeux de ce monstre, briller de plaisir, quand il se
penchait au-dessus de moi, mais maintenant, j’arrive à lui donner moins
d’importance. Ce personnage, qui est devenu depuis plusieurs années l’amant
régulier de ma mère, au travers de ses aventures de passage, sait
qu’aujourd’hui, je suis capable de le faire enfermer pour ce qu’il a osé faire.
Il ne pourra plus me faire, de mal, transformer ma vie en cauchemar.
Cette
rencontre avec le mal, qui envahit toute mon enfance, fut terrifiante, mais je
n’étais plus la petite fille qui devait subir et se taire. J’avais trouvé la
force et le courage de lui tenir tête en dénonçant toutes ses activités inavouables, à la police. Il ne
pourrait jamais exercer cette activité favorite et impitoyable sur d’autres
petites filles sans courir le risque de se voir interner.
Je ne
voyais en lui que le bourreau, qui paralysa ma vie de petite fille et fragilisa
ma vie de femme. J’avais traversé tant de galères, vécu tant d’humiliations, de
privations, que je finis par m’endurcir. Je ne voulais plus vivre dans ce monde
secret, ce monde inconcevable pour la plupart des humains.
Le monde,
où vivent, ignorées de tous, des enfants qui subissent l’insupportable, parce
que toutes les personnes qui s’adonnent à de tels crimes exigent de leurs
victimes, le plus grand silence. Ils peuvent donc, en toute impunité, continuer
à martyriser leurs malheureuses petites victimes. Bien souvent, la peur des
représailles, la honte, qui entourent ces petites filles, les empêchent de
raconter leur histoire.
J’ai
décidé de mettre un terme à cette agonie de ma vie. Je poussais la porte de ce
cabinet, où je lisais sur la pancarte en laiton, gravé «docteur Jeanne Blanchard, psychiatre »
dès que la porte s’ouvrit, je fis un pas hésitant pour entrer, et je crus que je
manquerais de courage, mais au moment où je voulus reculer une petite voix, me
criai d’aller au bout. Je me revis quelques années plus tôt, alors que je
rentrais dans cette salle d’audience, pour assister au procès, de celui qui
m’avait tant fait souffrir.
Jamais
depuis que j’étais partie, je n’avais encore connu un moment si pénible. Devoir
me tenir sur un banc, derrière cet immonde personnage, me donnait la nausée. Le pire était à venir,
quand je serai obligée de raconter à haute et intelligible voix, ce que ce
monstre m’avait fait endurer. Je sentis alors les larmes me monter aux yeux, je
me sentais bien seule auprès de mon avocat qui était là pour m’assister. Dans
ma tête, je m’adressais à lui en lui disant pauvre type, tu n’es qu’un idiot
qui ne mérite pas de vivre.
Je tentais
de dissimuler mon visage, derrière les mèches de mes longs cheveux bruns. Je
bouillais en entendant ma mère qui reniflait en pleurnichant sur le sort de son
compagnon. Ce démon se retourna avec un sourire que je lui aurais volontiers
fait avaler, son comportement m’horrifiait. Il me semblait que comme quand
j’étais enfant, il n’avait aucun remords, ce qui me rendait encore plus
méchante envers lui. Dès que j’entendis prononcer mon nom, je me dressais et me dirigeais vers la
barre en levant la main droite et en prêtant serment de dire toute la vérité,
rien que la vérité.
Ce récit
fut d’une longueur qui me parut durer une éternité, de temps à autre, je
baissais la tête comme si la honte me rougît le visage. Alors que je regardais
dans sa direction, je vis, sa paire de chaussures noire bien cirées, que
pointaient vers moi. Son visage me tétanisait encore à tel point que je crus un
instant que j’allais défaillir.
Ces yeux
verts étirés comme des yeux de serpent me fixaient, sa bouche se tordait dans
un rictus qui ne me disait rien qui vaille. Même s’il avait maintenant des
cheveux grisonnants, je ne voulais pas lui faire de cadeau.
En
retournant m’asseoir, je ne voulais plus être juste derrière lui, je me
décalais de plusieurs bancs et allais m’installer dans la foule qui assistait
au procès. Malgré la distance que je mis entre nous, je sentais ses yeux qui me
transperçaient et ses pensées pénétraient mon cerveau endolori. Je m’endossais
sur le banc et écoutais le juge prononcer sa sentence, je trouvais qu’il s’en
tirait bien avec cette condamnation à
seulement cinq années de prison. Mais je jubilais, pendant ce temps, il ne
ferait de mal à personne et j’en étais ravie.
Il
passerait ces cinq longues années à méditer sur son comportement, et
réaliserait-il, que sa conduite est inqualifiable, insupportable. Je ne lançais
même pas un regard vers ma mère, qui était effondrée, sur son coin de banc.
Durant des
années, la douleur se conjugua pour moi à la laideur. Je ne connus à aucun
moment le bonheur, entre les murs de cet appartement plutôt vieillot.
Aujourd’hui depuis que je vivais chez Simone, je découvrais avec plaisir que
tout autour de moi, était vrai et beau. Ce cœur tendre qu’elle offrait était
pour moi comme pour José, elle nous aimait comme si nous fussions ses enfants.
Je m’attachais de plus en plus à cette nouvelle vie et apprenais à devenir une
femme. Je contemplais fascinée, cette femme, qui commençait à avoir les cheveux
gris de la sagesse.
Au petit
matin, le premier jour de l’audience du procès de Serge, Simone m’accompagna,
elle était tendue et se demandait si je trouverais, au fond de moi cette force
nécessaire, pour envoyer cet individu à l’ombre pour un certain temps. Après
nous avoir fait entrer dans une grande pièce où attendaient tous les témoins
des différentes affaires à juger, nous devions rester assises sans même nous
adresser la parole.
Je commençais à paniquer, je me demandais ce que je
faisais dans cet univers de grands où je ne me sentais pas avoir ma place. Mon
avocat s’approcha et me dit à l’oreille, que le fourgon, qui amenait Serge,
n’était pas encore arrivé, qu’il ne faille que nous soyons patientes. Ces mots
m’arrivèrent dans les oreilles comme des coups de marteau, frappés si forts,
que je me sentais soudainement tout étourdie.
Il se
passa un certain temps, avant que nous soyons appelées, il fallait que les
jurés prêtent serment et que tous les rituels soient accomplis. Je pensais
alors que Serge serait appelé le premier, mais ce ne fut pas le cas. Je fus
appelée et secrètement je savourais le moment où je pourrais lui faire autant
de mal que lui m’en avait fait, en le privant de sa liberté. Je partais avec la
ferme intention de ne pas lui faire de cadeau. Mon cœur bondissait dans ma
poitrine, mais je devais trouver la force nécessaire, pour déballer ma triste
histoire devant tous ces étrangers, qui ne manqueraient sûrement pas de me
juger.
J’eus du
mal à réaliser, qu’il fallait que je rentre dans cette grande salle, où je
savais que ce sale type de Serge m’attendait de pied ferme. En entendant
prononcer mon nom, je tremblais de la tête aux pieds. Je ne trouvais dans cette grande salle, aucun
visage amical et encourageant, bien au contraire, je sentais tous les regards
se figer sur moi, comme si je
fusse, une criminelle. J’étais préparée
à ce que le juge et les avocats me déstabilisent en me traitant de menteuse,
tant ma vie n’avait été qu’un calvaire.
Je savais
aussi qu’ils m’obligeraient à parler de choses auxquelles je ne voulais plus
penser, comme le traumatisme de cette première fois, où il me laissa seule et
désemparée dans un coin de ma chambre avec ce sang qui ruisselait le long de
mes jambes et cette douleur intense que je ressentais dans tout mon être. Tout
ce chambardement dans la toile de mes souvenirs me mit dans un état second, je
n’entendais plus rien de ce qui se disait autour de moi, mon esprit était
absent comme dissocier de mon corps.
Certaines
personnes, qui étaient avant moi dans cette grande salle, me lancèrent des
regards menaçants, pour essayer de m’intimider, ils espéraient peut-être que
leur attitude me ferait renoncer, mais ils se trompaient, j’étais fermement
décidée à aller au bout de ce déballage, même si je devais en souffrir par la
suite. Je voulais plus que tout tenter de mettre un terme au règne de terreur
de ce sale type, et je voulais surtout l’éloigner de ma mère, qui prenait des
coups plus souvent qu’à son tour.
J’étais
effrayée et je tremblais de la tête aux
pieds, je les regardais droit dans les yeux et je faisais comme s’ils n’étaient
pas là. Je voulais que tout le monde sache, ce que j’avais enduré au cours de
toutes ces années. De temps à autre j’envoyais un regard de défi à ma mère qui
pleurnichait sans se préoccuper de la peine que je ressentais.
Je ne sus
jamais si, Serge ressentit un peu de honte, ou s’il se moquait totalement du
mal qu’il m’avait fait. Tandis que mon avocat tentait de me faire dire tout ce
que j’avais à dire, je baissais la tête pour que mes cheveux masquent mon
regard. Je ne voulais plus croiser le regard de Serge qui donnait l’impression
de me narguer pour mieux me déstabiliser. Je ne voulais pas qu’il me perturbe,
j’avais réussi à ranger mes souvenirs dans un coin de ma mémoire, là où je
pouvais les supporter, et je ne voulais pas que de nouvelles images viennent
s’y agripper.
En
dissimulant mes larmes derrière ce rideau de cheveux, ce sale type restait en
dehors de mon champ de vision. Cette première journée fut difficile, je ne
parvenais pas à voir Simone qui était assise sur un banc à quelques mètres
derrière moi. Je sentais qu’elle m’encourageait à tout dire même l’impensable,
l’intolérable pour une enfant de mon âge.
Je fondis
en sanglots lorsque mon avocat invoqua mon enfance, sans n’épargner aucun
détail, même les plus pénibles à entendre. Je voyais le visage des jurés tendu,
leurs regards allaient constamment de Serge à moi, comme s’ils cherchassent une
faille dans ce discours, qui leur ferait douter de la sincérité de mes dires.
Je devais raconter tous les actes sexuels dans leur intégralité. Tous mes
secrets les plus horribles se trouvaient déballés sur la place publique et j’en
été mortifiée. Je savais que mon avocat
faisait tout ce qu’il pouvait, pour faire enfermer Serge pour de nombreuses
années, sans déguiser la vérité.
Ce
déballage sordide me faisait honte, mais je devais en passer par là. Je crois
que ce qui me faisait le plus mal était l’attitude qu’affichait ma mère, qui
pleurnichait toujours en comprenant que Serge allait lui manquer, pendant un
certain temps. Je crois qu’elle ne se rendait pas compte de ce que j’avais vécu,
ou elle ne voulait pas s’en rendre compte.
Quand
l’avocat de Serge prit le relais et s’adressa à moi, soudain je me sentis comme
si je n’eusse plus de jambes et je souhaitais que tout cela cesse. Les mots qu’ils attendaient restés coincés
dans ma gorge, j’étais si malheureuse en sentant les regards de pitié de la
foule qui assistait à ce procès de la honte, que je n’arrivais plus à contrôler,
ma voix, je sentis ma gorge qui se serrait sans que je puisse y remédier.
Je ne
savais plus quoi faire tant j’avais peur que cet avocat ne me traite
d’affabulatrice, de menteuse. Je sentais qu’il voulait me faire dire que j’avais
tout inventé, qu’une histoire pareille
ne pouvait avoir été vécue. Je pensais très fort dans ma tête que s’il avait
reçu les coups avec la même violence que je les avais reçus, il ne se poserait
pas cette question.
Tout le
temps de l’interrogatoire, je sentais Serge qui gesticulait sur son banc des
accusés, et je l’entendais se racler la gorge comme s’il voulût me rappeler que
je devais garder notre secret. Il essayait par ses regards noirs et son
attitude désinvolte, de me reporter au jour où il me mit le couteau de cuisine
sous la gorge pour que je sente bien que cette lame fût capable de me faire
taire à tout jamais.
Je savais
qu’il mesurait cette souffrance que
j’endurais et qu’il ne ferait rien pour avouer la vérité, il préférait se poser
en victime, alors qu’il était le bourreau. Il m’avait suffisamment torturée
pour avouer même le quart de la vérité, mais je le sentais bien trop lâche,
pour admettre que son comportement n’était pas normal.
je ne
voyais que le juge qui semblait triste pour moi, à travers le rideau de cheveux qui masquaient
mon visage. Il me donnait confiance, pour que Serge ne soit plus une menace
pour moi pendant un certain temps. Je l’observais, pendant que je racontais mon
histoire, et je le vis à plusieurs reprises, mettre la tête entre ses mains
comme si, ce qu’il entendait,
l’horrifiait. Peut-être avait-il des petites filles à la maison, et
qu’il pensait à elles en m’écoutant ?
Quand je
fus enfin libérée de la barre, j’allais me réfugier auprès de Simone qui avait
nerveusement fait des confettis avec ses Kleenex et en avait recouvert le sol.
Elle me serra fortement la main comme si elle voulût me dire que le plus
difficile était passé, que je ne devais plus m’en faire. Je savais que ce
calvaire n’était pas terminé, je devais me représenter le lendemain pour
entendre le verdict. En me retrouvant à cette barre, face au juge, je me sentis
à bout de forces et je pensai que je ne tiendrais pas le coup,
je fis comprendre au juge que j’étais désolée et je baissais la tête dans un sentiment de
désespoir mélangé de honte et de fatigue. Il comprenait que ce sale individu
m’avait volé mon enfance, mon innocence, fait de ma vie un enfer presque inimaginable.
Après la
suspension de séance, je fus conduite dans une autre salle, par une dame d’une
quarantaine d’années qui était, une officier de police, qui s’occupait des
victimes de viol. Entre les séances, à aucun moment, on me fit croiser ce sale
type, il partait toujours dans une pièce opposée à celle où je devais attendre
la suite des évènements.
Avant
l’annonce du verdict, il entra avant moi dans la salle et au passage, il tenta
de mettre ses jambes bien droites dans le passage pour me faire tomber. Je
levais alors les yeux et les posais sur son visage ricanant derrière ses fines
moustaches. Il me lança un regard qui me tétanisa de peur, mais ne me fit pas
baisser ma garde. Ses yeux clairs comme délavés me transpercèrent, mais je me
sentais reprendre des forces pour aller au bout.
De le
savoir près de moi, je sentais ses yeux qui me déshabillaient, ses pensées
morbides qui labouraient mon cerveau comme quand, je ne fus qu’une petite fille sans défense. Je ne
voyais que cette silhouette aux yeux morts, vides de compassion, qui me fixait
sans relâche. Je me dirigeais vers l’angle de la pièce comme si je voulusse me
cacher tant je sentais le rouge de la honte m’envahir le visage.
Je
sanglotais en disant, s’il n’est pas enfermé aujourd’hui, je suis morte, il ne
me pardonnera jamais d’avoir fait éclater nos secrets comme une bombe. Je
voulais être présente lors du verdict, et voir une dernière fois le visage figé
de cet homme qui était resté assis à m’écouter pendant que je mourais de honte
en détaillant toutes ces humiliations, qu’il m’avait fait subir pendant tant
d’années.
Je ne
savais même pas si cette condamnation allait l’humilier comme je l’eusse voulu,
il perdait sa liberté, mais je ne pensais pas qu’il en soit tant affecté que cela.
J’attendais avec une certaine impatience le verdict, si les jurés ne devaient
pas croire mon histoire et qu’ils le laissent ressortir, libre de ce tribunal,
je ne savais pas ce qu’il adviendrait de ma peau, en ce qui me concerne, je n’en
donnais pas cher, Serge ferait tout pour me faire payer très cher de l’avoir mis
dans une situation inconfortable. Il
ferait tout pour me réduire au silence, et poursuivre ses mensonges sans être inquiété.
Quand le
verdict tomba et que j’entendis qu’il était condamné à cinq ans de prison
ferme, je sentis mon estomac se crisper. L’angoisse montait, sous l’effet de
panique, la sueur perlait mon front, mes jambes flageolèrent, mais j’étais
satisfaite d’avoir été reconnue comme victime de ce monstre.
Le juge me
fit entrer ensuite dans une petite pièce vitrée qui donnait sur la rue, il
avait remarqué le regard que cet homme me lançait au cours de l’interrogatoire,
il voulait s’assurer que je ne me retrouve pas face à lui. Je le regardais
monter dans ce fourgon cellulaire qui l’emmenait vers le centre d’incarcération
et je restais sans expression. Cette silhouette immobile aux yeux morts ne me
fixerait plus avant longtemps.
Je pouvais
maintenant me calmer et sortir à mon tour de cette salle d’audience, je ne
craignais plus rien. Le plus dur pour moi restait, à faire, exorciser de ma
mémoire, toute cette histoire. Comment sortir du plus profond de ma mémoire
toute cette souffrance, accumulée depuis tant d’années ?
Je
n’étais qu’une petite fille qui jouait
encore à la poupée et qui essayait de rêver de contes de fées, quand ce
calvaire commença. Du jour au lendemain, je devins cette petite fille qui
pleurait chaque nuit, la tète enfoncée dans mon oreiller pour étouffer mes
sanglots, mon sourire s’était figé à tout jamais.
Cet
individu venait de me voler mon innocence et mon âme. Il était devenu un
monstre à mes yeux, pour qui, aujourd’hui j’avais tant de haine, qui ne
demandait qu’à exploser. Il profita sans remords, de la faiblesse d’une enfant
sans défenses, qui n’avait pas la force de lui résister.
C’était
fini, il n’abuserait plus de mon esprit et de mes pensées naïves. Il ne ferait
plus de moi sa proie passive. Il ne me ferait plus verser tant de larmes en me
lançant au visage toutes ces insultes qui sortaient de sa bouche comme un jet,
de venin. Il ne pourrait plus exiger de moi ce silence après avoir réalisé ses
fantasmes. Je ne serai plus contrainte à garder ce silence qui me faisait tant
de mal, et me faisait me sentir sale, honteuse, tout cela n’avait que trop
duré, il ne pourrait plus s’approprier chaque infime partie de mon corps
meurtri de douleurs. Je ne serai plus sa prisonnière, j’allais pouvoir enfin
vivre dans le calme et la sérénité. Me reconstruire et devenir une femme.
Dès qu’il
fut derrière les barreaux et devenu inoffensif, j’eus beaucoup de
reconnaissance pour tous ces gens qui m’aidèrent à sortir de ses griffes. Le
soir de cette condamnation, dans mon lit, je pensais à la solitude que
ressentirait ma mère, mais elle devait comprendre qu’il avait mérité cette
peine de prison, pour tout le mal qu’il m’avait fait. Il ne me terroriserait
plus en me plaquant le long du mur, en me serrant la gorge, cherchant à m’étouffer.
Je voulais avoir une fin d’adolescence heureuse près de Simone et de mon petit
frère, de cœur, José.
Les
compagnons de boisson de Serge voulurent me mener la vie dure, peut-être pour
le venger, mais ils comprirent assez rapidement que le comportement de leur ami
les effrayait parfois, et ils prirent la décision de me laisser en paix.
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