Les trois arbres,: conte pour enfants

Les trois arbres.

Il était une fois, très loin dans une vallée de montagne, trois arbres qui rêvaient. Ils étaient nés tous les trois le même jour, petites graines apportées de la forêt par un grand vent venu du Sud.

Chaque soir que Dieu faisait, ils regardaient les lumières de la vallée s’allumer en écoutant la musique du torrent et le chant de leur ami le rossignol.

Le premier petit arbre, émerveillé par les étoiles et la lune, s’imaginait que quand il serait grand, il serait transformé en coffre à trésor. Il disait à ses amis : vous verrez, quand je serai grand, je serai recouvert d’or et de pierres précieuses et j’abriterai un trésor.

Le deuxième petit arbre, lui, aimait à regarder scintiller sous la lune, les eaux claires de la rivière, avant qu’elle ne se jette au loin dans la mer. Il se disait que plus tard, il voudrait être transformé en grand voilier pour naviguer sur l’océan ; il serait commandé par un capitaine, un prince ou un chef corsaire. Un trois-mâts, qui serait capable de battre toutes les tempêtes et d’affronter tous les océans. " Je voudrais être un grand voilier pour naviguer sur l’océan et aller plus vite que le vent ; J’aurais un gouvernail en acajou, une belle figure de proue, j’irais plus vite que les dauphins. J’avancerais sous les ordres d’un roi puissant et je mènerais de grands combats."

Le troisième petit arbre se plaisait à regarder les lumières des villages. Il ne voulait pas quitter ses montagnes, ses rochers, le vent. Il voulait simplement grandir, grandir ; voir pousser ses branches, devenir très beau. Il voulait être tout givré d’argent en hiver et avoir des feuilles de velours au printemps. Il voulait pousser très très haut, pour que tout le monde s’arrête pour le regarder et en levant les yeux, qu’ils pensent à Dieu.

Le temps s’écoula au murmure des sources, au clapotis des ruisseaux, comme un grand sablier. Le vent du Nord pousse le vent du Sud. Les primevères sortent de terre, c’est le printemps ; voici les cerises et c’est déjà l’été. Les feuilles jaunes tourbillonnent et c’est l’automne, et voici les neiges de l’hiver. Ainsi passent les mois et les saisons. Les trois petits arbres avaient changé, pris de la force, de la stature, un tronc vigoureux, des branches et des branchages. Un matin de brouillard, des voix résonnèrent sur le sentier ainsi que le bruit des sabots des petits ânes. Les oiseaux firent silence et les arbres se mirent à trembler de toutes leurs feuilles.

Le premier bûcheron en voyant le premier arbre se gratta la barbe et se dit qu’il était parfait pour ce qu’il voulait en faire et le fit tomber d’un coup de hache.

Quel moment de bonheur se dit le premier arbre, je vais enfin pouvoir être un beau coffre et abriter un trésor, quelle joie dans mon cœur !

Le deuxième bûcheron voyant le deuxième arbre le trouva vigoureux et d’un seul coup de hache le coucha sur le sol boueux. Quel moment de bonheur se dit le deuxième arbre, je vais enfin pouvoir être un navire et faire naviguer des rois, quelle joie dans mon cœur !

Le troisième bûcheron en voyant le troisième arbre, se dit " cela pourra aller" et le fit tomber dans l’allée.
Quel moment de malheur se dit le troisième arbre je ne serai jamais un grand arbre, personne ne me regardera, ç’est le désespoir dans mon cœur.

Les trois arbres gisaient maintenant sur le flanc de la montagne. Chacun sous son écorce imaginait la suite de son destin.

Les bûcherons attelèrent les petits ânes et la descente dans la vallée fut longue et périlleuse.
Le premier arbre allait enfin pouvoir vivre le rêve de sa vie. Il se retrouverait bientôt dans la bonne odeur de colle et de copeaux de bois de l’atelier du menuisier. J’imagine une autre vie, je me sens tout réjoui.

Mais il ne savait pas encore que dans les commandes du jour ne figurait pas le moindre coffre à trésor. Dents de scie, gouges et rabot le transforment bientôt en mangeoire pour les animaux remplis de paille et de foin ; et le premier arbre se mit à pleurer son rêve déjà loin.

Après deux jours et deux nuits de voyage, le deuxième arbre allait enfin se retrouver sur les galets gris du chantier naval. Les cris aigus des mouettes, les parfums salés de l’océan lui tournaient déjà la tête. Il était tout heureux de prendre le chemin qui menait à la gloire ; adieu les loups, adieu les renards, la neige et le blizzard. Bonjour la mer, bonjour l’océan. Transformez-moi Maîtres-charpentiers en splendide trois-mâts. Il ne pouvait pas encore se douter de la mauvaise surprise qui l’attendait, pas un seul armateur n’avait passé commande pour un trois-mâts.  
"Arrêtez vos scies, vos haches et vos marteaux. Je ne veux pas être transformé en petit bateau à tourner en rond en pêchant du poisson. Je veux de l’horizon, des îles et des typhons."

Le troisième petit arbre n’était plus que désespoir. Son rêve gisait, cassé brisé. Pourquoi les bûcherons m’ont-ils tailladé, déchiré, ébranché, scié, raboté. J’aimais les oiseaux, les rires des enfants, le bruit des ruisseaux, le souffle du vent.

Au lieu de cela, on me laisse dans le désespoir, en poutres empilées dans un coin tout noir. Je suis malheureux. Que s’est-il passé ?

Je rêvais de ciel, d’horizon tout bleu, d’étoiles, de soleil. Je rêvais de Dieu. Tout ce que je voulais, c’était rester dans la montagne en pensant à Dieu.

Beaucoup de mois, beaucoup d’années s’écoulèrent. Le temps avait passé, grignotant chaque vie à coups de dents, tuant nos rêves.

Les arbres avaient fini par oublier leurs rêves, ils s’étaient installés dans l’habitude, la morosité et n’attendaient plus rien.

Le premier arbre devenu mangeoire, ne sentait même pas la caresse des moutons tirant sur le foin. Quand une nuit d’hiver, la douce lumière d’une étoile se posa sur lui. Deux étrangers bien fatigués sont arrivés dans la nuit noire alors que le ciel tremblait de froid. Et j’ai senti que leur histoire rejoignait mon rêve d’autrefois. Il était charpentier et elle s’appelait Marie. Ils étaient là pour ouvrir l’espérance, redonner confiance, réveiller la nuit. Elle a accouché de l’enfant à minuit.Elle s’est allongée dans la paille et il l’a couverte de son manteau. Le vent soufflait derrière la muraille. Quand il a fait de la mangeoire un berceau et qu’il y a couché le petit nouveau-né, j’ai su que j’abritais le trésor dont j’avais rêvé.

Encore bien des années sont passées, bien des hivers glacés, des jours de pluie et des coups de vent sur les rives du lac où le deuxième arbre devenu petite barque de pêcheur pourrissait lentement dans une mauvaise odeur de poisson. Mais un soir, un grand voyageur et douze compagnons sont montés sur le bateau de pêcheur vers l’horizon. Le grand voyageur s’est endormi sur de vieux filets. En pleine nuit l’orage s’est levé, éclairs et tourbillons. Je n’en pouvais plus de trembler. Je n’étais pas assez fort pour transporter tous ces hommes en sécurité. Seigneur, nous périssons ! Le voyageur s’est réveillé ; en écartant les bras, il a dit au vent de faire la paix. Un grand calme tomba. C’est alors que j’ai compris dans mon cœur que je transportais le Seigneur.

Peu de temps après cet événement, dans la ville se mirent à résonner d’étranges rumeurs ; les gens étaient énervés, on entendait des cris, des bottes de soldats, cela sentait la violence, la vengeance, l’injustice. Des hommes vinrent tirer de son hangar et de sa torpeur, le troisième arbre transformé en poutres. Ils ont arraché mes poutres de la pile de bois, les ont tirées sur la grand route et en ont fait une croix. C’était un vendredi matin et le printemps n’était pas bien loin. Mon Dieu qu’ont-ils fait de moi ? Mon Dieu, ne m’abandonne pas ! La foule était en colère, le ciel était gris. L’homme était là, tout déchiré, ils se moquaient de lui et l’injuriaient.

Quand ils l’ont cloué sur mes poutres, mon bois a tressailli, rempli d’horreur quand l’homme a gémi. Ainsi donc, il était trop tard, le rêve devenait cauchemar.

Pourtant le dimanche qui suivit fut éclatant de lumière. La joie du printemps jaillissait partout alors qu’on ne l’attendait plus. Un homme est sorti de la terre et a quitté son tombeau. C’est lui qui donne sens aux rêves, aux espoirs les plus fous ; c’est son amour qui nous relève quand on est au fond du trou. Il fait de chacun de nous un chef-d’œuvre, même si on ne comprend pas bien les mauvais coups et les épreuves. Lui seul connaît notre chemin. Le troisième arbre n’en croyait pas ses yeux, désormais chaque fois qu’on le regarderait, on penserait à Dieu