Le tisserand et le voleur
Chaque semaine, un tisserand se rendait à la ville voisine pour vendre le drap qu'il tissait les autres jours.
Un soir, alors qu'il revenait du marché, il tomba sur un voleur. Celui-ci lui asséna des coups au point de le laisser presque mort dans le fossé, puis il disparut dans la forêt, emportant les pièces d'argent que le tisserand avait gagnées en vendant son ouvrage.
La semaine suivante, le tisserand repartit au marché avec un nouveau lot de draps. L'hiver avait blanchi les champs, et tout recouvert de silence.
Sur le chemin du retour, il aperçut au loin son voleur, toujours installé au même endroit, qui attendait le passage de quelques victimes. L'artisan décida qu'une fois était bien suffisante. Prenant un sentier qui obliquait à travers bois, il évita le brigand. Le chemin était plus long et plus difficile, il dut traverser le lac qu'une épaisse couche de glace et de neige avait recouvert, le faisant pareil à un miroir, mais il arriva chez lui avant la nuit.
À partir de ce jour, le tisserand fit attention en arrivant au lieu du guet-apens. Quand il apercevait son agresseur, il prenait le chemin du lac et si la voie était libre, il continuait sa route.
Mais voici qu'un jour, le voleur fit une rencontre qui changea sa vie. Voyant approcher un voyageur, il se rua sur lui pour le détrousser, mais l'homme, un ermite qui vivait de peu et de charité, lui dit simplement : « Ne te fatigue pas à m'assommer, je n'ai que peu de choses sur moi, mais ce que j'ai de plus précieux, je veux te le donner. »
Et le saint homme parla de la vie et de la mort, de la fraternité des hommes, de la maîtrise des émotions, de la lumière que l'on ne voit pas avec les yeux, de l'amour, de mille choses dont le malfaiteur n'avait jamais entendu parler. Le moine parla longtemps, et quand il voulut reprendre sa route, l'autre, ému au plus profond de lui-même, demanda à le suivre pour en apprendre davantage, car son âme avait soif de ces paroles.
Pendant toute une année, il sillonna les chemins et les routes du pays, vivant chichement de la générosité des paysans qu'il rencontrait, se nourrissant de la sagesse du moine.
Au bout d'un an, il décida de continuer seul. Remerciant chaleureusement son maître, il repartit sur le lieu de ses forfaits, et se mit à prier pour toutes ses victimes.
Peu de temps plus tard, le tisserand rentra de son marché hebdomadaire. Quand il reconnut au loin le voleur, il se dépêcha de prendre le petit sentier. Arrivé au bord du lac, il s'engagea sur la glace, mais le temps s'étant adouci, et le printemps se rapprochant, la couche de glace était devenue fragile et céda sous les pas du tisserand qui s'enfonça dans l'eau glacée et mourut dans l'eau noire et profonde.
Souvent, nous jugeons les autres sur un acte, sur une fonction, sur un seul aspect d'eux-mêmes, mais nous refusons de voir ce qu'ils sont vraiment, au fond de leur cœur, cela nous arrange. Et nous gardons cette image figée en nous quoi qu'il arrive, et quoi que puissent faire ceux-là même que nous condamnons pour mieux nous justifier.
Il est bien plus confortable de s'en remettre à des certitudes bien établies, cela évite de se remettre en cause. Mais lorsque tout change autour de nous, nos certitudes sont plus fragiles que la glace du lac, elles se craquellent et se dérobent sous nos pas, et alors que nous comptions sur elles pour nous porter et nous protéger, elles nous précipitent dans notre propre obscurité.
Un soir, alors qu'il revenait du marché, il tomba sur un voleur. Celui-ci lui asséna des coups au point de le laisser presque mort dans le fossé, puis il disparut dans la forêt, emportant les pièces d'argent que le tisserand avait gagnées en vendant son ouvrage.
La semaine suivante, le tisserand repartit au marché avec un nouveau lot de draps. L'hiver avait blanchi les champs, et tout recouvert de silence.
Sur le chemin du retour, il aperçut au loin son voleur, toujours installé au même endroit, qui attendait le passage de quelques victimes. L'artisan décida qu'une fois était bien suffisante. Prenant un sentier qui obliquait à travers bois, il évita le brigand. Le chemin était plus long et plus difficile, il dut traverser le lac qu'une épaisse couche de glace et de neige avait recouvert, le faisant pareil à un miroir, mais il arriva chez lui avant la nuit.
À partir de ce jour, le tisserand fit attention en arrivant au lieu du guet-apens. Quand il apercevait son agresseur, il prenait le chemin du lac et si la voie était libre, il continuait sa route.
Mais voici qu'un jour, le voleur fit une rencontre qui changea sa vie. Voyant approcher un voyageur, il se rua sur lui pour le détrousser, mais l'homme, un ermite qui vivait de peu et de charité, lui dit simplement : « Ne te fatigue pas à m'assommer, je n'ai que peu de choses sur moi, mais ce que j'ai de plus précieux, je veux te le donner. »
Et le saint homme parla de la vie et de la mort, de la fraternité des hommes, de la maîtrise des émotions, de la lumière que l'on ne voit pas avec les yeux, de l'amour, de mille choses dont le malfaiteur n'avait jamais entendu parler. Le moine parla longtemps, et quand il voulut reprendre sa route, l'autre, ému au plus profond de lui-même, demanda à le suivre pour en apprendre davantage, car son âme avait soif de ces paroles.
Pendant toute une année, il sillonna les chemins et les routes du pays, vivant chichement de la générosité des paysans qu'il rencontrait, se nourrissant de la sagesse du moine.
Au bout d'un an, il décida de continuer seul. Remerciant chaleureusement son maître, il repartit sur le lieu de ses forfaits, et se mit à prier pour toutes ses victimes.
Peu de temps plus tard, le tisserand rentra de son marché hebdomadaire. Quand il reconnut au loin le voleur, il se dépêcha de prendre le petit sentier. Arrivé au bord du lac, il s'engagea sur la glace, mais le temps s'étant adouci, et le printemps se rapprochant, la couche de glace était devenue fragile et céda sous les pas du tisserand qui s'enfonça dans l'eau glacée et mourut dans l'eau noire et profonde.
Souvent, nous jugeons les autres sur un acte, sur une fonction, sur un seul aspect d'eux-mêmes, mais nous refusons de voir ce qu'ils sont vraiment, au fond de leur cœur, cela nous arrange. Et nous gardons cette image figée en nous quoi qu'il arrive, et quoi que puissent faire ceux-là même que nous condamnons pour mieux nous justifier.
Il est bien plus confortable de s'en remettre à des certitudes bien établies, cela évite de se remettre en cause. Mais lorsque tout change autour de nous, nos certitudes sont plus fragiles que la glace du lac, elles se craquellent et se dérobent sous nos pas, et alors que nous comptions sur elles pour nous porter et nous protéger, elles nous précipitent dans notre propre obscurité.
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